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Parole de spécialiste — 16 minutes

Comment l’utilisation d’un téléphone intelligent influe-t-elle sur mon sommeil?

Dr Pierre Mayer
Dr Pierre Mayer
Pneumologue - Directeur médical - Sommeil

De nos jours, nos téléphones nous accompagnent partout où nous allons. Pour bon nombre d’entre nous, c’est la dernière chose que nous regardons le soir, et la première chose vers laquelle nous nous tournons le matin. Mais l’exposition constante à la lumière incandescente de leurs écrans a-t-elle des effets à long terme sur notre hygiène du sommeil ? La réponse est oui. L’utilisation d’un appareil électronique induit un état d’hyperexcitation à la fois physiologique et psychologique.

  • Physiologique : augmente votre cortisol (hormones du stress) et votre température corporelle et retarde la sécrétion de mélatonine.
  • Psychologique : contribue à l’anxiété et aux états dépressifs.

Cela ne fait qu’une dizaine d’années que ces écrans sont si perpétuellement attachés à nous, de sorte que les recherches scientifiques rigoureuses sur ces effets sont relativement récentes. Des études plus générales sur les médias électroniques existent depuis un certain temps et ont démontré que l’utilisation de la télévision, de l’ordinateur et d’autres appareils semblables a des effets négatifs sur la qualité du sommeil et la fatigue, notamment chez les enfants [1]. En 2015, une analyse documentaire des études existantes sur les effets du temps passé devant un écran chez les enfants et les adolescents a révélé qu’entre 76 % et 94 % des études concluaient que ce temps a des incidences clairement néfastes sur le sommeil, peu importe le média – télévision, ordinateur ou jeu vidéo – même si le visionnement interactif semble plus nocif que le visionnement passif, comme la télévision [2].

Les téléphones intelligents, cependant, présentent un nouveau problème. Une étude menée en Chine en 2018 s’est penchée sur l’association entre l’utilisation à long terme du téléphone mobile et les troubles du sommeil et la détresse mentale chez plusieurs milliers d’étudiants de collèges techniques.

En tout, 23,5 % des participants ont déclaré utiliser un téléphone pendant plus de 4 heures par jour, ce qui a augmenté jusqu’à 1,5 fois les risques de troubles du sommeil et de détresse mentale. Plus important encore, l’étude a également démontré que la réduction de l’utilisation du téléphone a permis d’atténuer les problèmes [3].

Étant donné que l’étude suggère que le taux de pénétration de l’utilisation du téléphone mobile en Chine est passé de 6,7 % à 96,9 % depuis le début du 21e siècle, avec une augmentation correspondante du temps qui leur est consacré, les conséquences de cette augmentation sont importantes. Au Québec, de 2008 à 2018, la proportion de la population utilisant un téléphone intelligent est passée de 13 % à 73 %, alors que 98 % de la population âgée de 18 à 34 ans en possédait un en 2018 [4].

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Pourquoi l’exposition à l’écran d’un téléphone intelligent nuit-elle à mon sommeil ?

Certaines des causes de la relation entre l’utilisation du téléphone et le manque de sommeil semblent assez évidentes. Une étude portant sur les adolescents menée au début de 2019 souligne un certain nombre de facteurs potentiels mis en évidence dans des recherches antérieures, notamment :

  • les heures de réveil plus longues en raison de l’utilisation d’un appareil ;
  • une résistance à aller se coucher lorsqu’un appareil est présent dans une chambre à coucher ;
  • une augmentation de l’activation cognitive, c’est-à-dire un esprit actif et une fuite des idées (hyperidéation) ;
  • les interruptions causées par les messages texte et les notifications pendant la nuit [5].

L’étude met en garde contre le fait que les résultats des études longitudinales existantes sont entravés par leur nature autodéclarée et par l’absence relative d’études à long terme qui incluent l’utilisation de téléphones intelligents.

Il a également été démontré que l’exposition à la lumière artificielle elle-même a des effets notables sur la qualité du sommeil, en grande partie en raison de la façon dont elle modifie la production de mélatonine dans l’organisme, ce qui a une incidence sur notre rythme circadien. C’est la lumière bleue, présente dans les écrans aux côtés des autres couleurs du spectre, qui a été identifiée par les études comme ayant la plus grande répercussion sur la production de mélatonine. Une étude de Harvard a montré que l’exposition à la lumière bleue supprimait la mélatonine deux fois plus que la lumière verte de durée comparable [6]. Cela dit, il ne faut pas éviter complètement la lumière bleue, même si c’était possible. Elle peut s’avérer très bénéfique pendant la journée, car elle améliore l’attention, le temps de réaction et l’humeur.

Comment puis-je atténuer les effets de l’exposition à l’écran sur mon sommeil ?

Évitez l’exposition à une source de lumière artificielle avant le coucher

Vous devriez éviter d’être exposé à une lumière vive, en particulier celle des écrans, pendant deux à trois heures avant de vous coucher. C’est plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, mais la plupart des téléphones intelligents modernes fournissent des outils intégrés pour limiter la fonctionnalité de l’appareil en fonction de l’heure, vous permettant de couper les notifications et d’éliminer les tentations à l’heure du coucher et tôt le matin. Songez également à varier l’intensité de la luminosité le soir ou à utiliser les options « mode sombre » offertes sur la plupart des téléphones.

Envisagez d’utiliser des lunettes qui filtrent la lumière bleue

Bien entendu, il n’est pas forcément possible de cesser complètement de passer du temps devant un écran. Le port de lunettes avec des lentilles conçues pour filtrer la lumière bleue, couramment disponibles chez la plupart des optométristes, peut s’avérer utile. Un essai randomisé réalisé en 2009 auprès d’un échantillon limité de personnes a permis de constater que la qualité du sommeil et l’humeur de ceux et celles qui portaient des lunettes bloquant la lumière bleue au cours des trois heures précédant le coucher s’étaient nettement améliorées [7]. Une étude ultérieure qui s’est concentrée sur les adolescents a fait ressortir des effets notables sur les taux de suppression de la mélatonine [8].

Adoptez une bonne hygiène du sommeil

Au lieu de regarder votre téléphone ou votre tablette avant d’aller au lit, intégrez de bonnes habitudes de sommeil dans votre routine, comme la relaxation et la respiration abdominale, et soyez conscient des signes précurseurs du sommeil comme une baisse de la température de votre corps. Réservez la chambre à coucher pour les moments intimes et le sommeil, et accordez une grande priorité à la qualité de votre sommeil, sans toutefois en faire une obsession.

À lire aussi : Troubles du sommeil et conseils pour une meilleure hygiène du sommeil

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Sources8
  1. Cain, Neralie et Michael Gradisar. « Electronic Media Use and Sleep in School-Aged Children and Adolescents: A Review », Sleep Medicine 11, no 8 (2010) : 735–42. https://doi.org/10.1016/j.sleep.2010.02.006.
  2. Hale, Lauren et Stanford Guan. « Screen Time and Sleep among School-Aged Children and Adolescents: A Systematic Literature Review », Sleep Medicine Reviews 21 (2015) : 50–58. https://doi.org/10.1016/j.smrv.2014.07.007.
  3. Liu, Shuai, Yun Kwok Wing, Yanli Hao, Weixia Li, Jihui Zhang et Bin Zhang. « The Associations of Long-Time Mobile Phone Use with Sleep Disturbances and Mental Distress in Technical College Students: a Prospective Cohort Study », Sleep 42, no 2 (mars 2018). https://doi.org/10.1093/sleep/zsy213.
  4. « NETendances 2018 – La mobilité au Québec », CEFRIO. (Consulté en novembre 2019). https://cefrio.qc.ca/fr/enquetes-et-donnees/netendances2018-mobilite-au-quebec/.
  5. Foerster, Milena, Andrea Henneke, Shala Chetty-Mhlanga et Martin Röösli. « Impact of Adolescents’ Screen Time and Nocturnal Mobile Phone-Related Awakenings on Sleep and General Health Symptoms: A Prospective Cohort Study », International Journal of Environmental Research and Public Health 16, no 3 (décembre 2019) : 518. https://doi.org/10.3390/ijerph16030518.
  6. Harvard Health Publishing. « Blue Light Has a Dark Side », Harvard Health. (Consulté en novembre 2019). https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/blue-light-has-a-dark-side.
  7. Burkhart, Kimberly et James R Phelps. « Amber Lenses to Block Blue Light and Improve Sleep: a Randomized Trial », Chronobiology International. U.S. National Library of Medicine, décembre 2009. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20030543.
  8. Lely, Stéphanie van der, Silvia Frey, Corrado Garbazza, Anna Wirz-Justice, Oskar G. Jenni, Roland Steiner, Stefan Wolf, Christian Cajochen, Vivien Bromundt, et Christina Schmidt. « Blue Blocker Glasses as a Countermeasure for Alerting Effects of Evening Light-Emitting Diode Screen Exposure in Male Teenagers », Journal of Adolescent Health. Elsevier, 3 octobre 2014. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1054139X14003243.
Dr Pierre Mayer
Dr Pierre Mayer
Pneumologue - Directeur médical - Sommeil
Professeur agrégé de clinique et directeur de la clinique du sommeil du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Dr Mayer est pneumologue et possède une formation postdoctorale sur les troubles du sommeil de l’Université Joseph Fourier, à Grenoble, en France, et de l’Université McGill, à Montréal. Il est le directeur médical de Biron-Soins du sommeil depuis 1998.