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Parole de spécialiste — 16 minutes

Comment l’utilisation d’un appareil mobile influe-t-elle sur mon sommeil?

16 février 2025

Dr Pierre Mayer
Dr Pierre Mayer
Pneumologue - Directeur médical - Sommeil

Rédigé en collaboration avec l'équipe Soins du sommeil.

De nos jours, nos téléphones nous accompagnent partout où nous allons. Pour bon nombre d’entre nous, c’est la dernière chose que nous regardons le soir, et la première chose vers laquelle nous nous tournons le matin. Mais l’exposition constante à la lumière, parfois intense, de leurs écrans a-t-elle des effets à long terme sur notre hygiène du sommeil ? La réponse est oui. L’utilisation d’un appareil électronique induit en effet un état d’hyperexcitation à la fois physiologique et psychologique qui nuit à notre sommeil.

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  • Physiologique : augmentation du taux de cortisol (hormones du stress), de la température corporelle et retard dans la production de mélatonine (hormone du sommeil).
  • Psychologique : contribution à l’anxiété et aux états dépressifs.

Cela ne fait qu’une quinzaine d’années que ces écrans sont si perpétuellement attachés à nous, de sorte que les recherches scientifiques rigoureuses sur leurs effets sont relativement récentes. Des études plus générales sur les médias électroniques existent depuis un certain temps et ont démontré que l’utilisation de la télévision, de l’ordinateur et d’autres appareils semblables a des effets négatifs sur la qualité du sommeil et la fatigue, notamment chez les enfants [1]. En 2015, une analyse documentaire des études existantes sur les effets du temps passé devant un écran chez les enfants et les adolescents a révélé qu’entre 76 % et 94 % des études concluaient que ce temps a des incidences clairement néfastes sur le sommeil, peu importe le média – télévision, ordinateur ou jeu vidéo – même si le visionnement interactif semble plus nocif que le visionnement passif, comme la télévision [2].

Les téléphones intelligents, cependant, présentent un problème encore plus préoccupant. Une étude menée en Chine en 2018 s’est penchée sur l’association entre l’utilisation à long terme du téléphone mobile et les troubles du sommeil et la détresse mentale chez plusieurs milliers d’étudiants de collèges techniques.

En tout, 23,5 % des participants ont déclaré utiliser un téléphone pendant plus de 4 heures par jour, ce qui a augmenté jusqu’à 1,5 fois les risques de troubles du sommeil et de détresse mentale. Plus important encore, l’étude a également démontré que la réduction de l’utilisation du téléphone a permis d’atténuer les problèmes [3].

L'augmentation de l'utilisation des téléphones cellulaires et du temps qui leur est consacré depuis le début du 21e siècle aggrave la situation. Le tableau suivant montre que le Québec n'y échappe pas, peu importe le groupe d'âge [4].

À lire aussi : Comment la cyberdépendance affecte-t-elle le corps?

Groupe d'âge Taux d'adoption (%) Taux d'adoption (%)
2010 2020
18-34 ans 27 95
35-54 ans 22 88
55-64 ans 7 78
65 ans et plus 2 55

Pourquoi l’exposition à l’écran d’un téléphone intelligent nuit-elle à mon sommeil ?

Bien que les études, souvent basées sur des auto-déclarations et de courtes durées, présentent certaines limites, plusieurs des causes liant l’utilisation du téléphone et le manque de sommeil semblent assez évidentes. Une étude portant sur les adolescents, menée au début de 2019 souligne un certain nombre de facteurs potentiels mis en évidence dans des recherches antérieures, notamment :

  • les heures de réveil plus longues en raison de l’utilisation d’un appareil ;
  • une résistance à aller se coucher lorsqu’un appareil est présent dans une chambre à coucher ;
  • une augmentation de l’activation cognitive, c’est-à-dire un esprit actif et une fuite des idées (hyperidéation) ;
  • les interruptions causées par les messages texte et les notifications pendant la nuit [5].

Il a également été démontré que l’exposition à la lumière artificielle elle-même a des effets notables sur la qualité du sommeil, en grande partie en raison de la façon dont elle modifie la production de mélatonine dans l’organisme, ce qui a une incidence sur notre rythme circadien. C’est la lumière bleue, présente dans les écrans aux côtés des autres couleurs du spectre, qui a été identifiée par les études comme ayant la plus grande répercussion sur la production de mélatonine. Une étude de Harvard a montré que l’exposition à la lumière bleue supprimait la mélatonine deux fois plus que la lumière verte de durée comparable [6].

Le saviez-vous?
Certaines personnes croient que l’utilisation de leur téléphone intelligent ou regarder la télévision favorise l’endormissement. En réalité, c’est bien plus complexe. Ce qui influence principalement notre endormissement, c’est la pression de sommeil qui s’accumule tout au long de la journée, ainsi que le respect d’un horaire régulier pour se lever et se coucher. À cela s’ajoute des pratiques de relaxation, une bonne hygiène de sommeil et des habitudes de vie équilibrées.

Karine Gloutnay, inhalothérapeute

Comment puis-je atténuer les effets de l’exposition à l’écran sur mon sommeil ?

Évitez l’exposition à toute source de lumière artificielle avant le coucher

Vous devriez éviter d’être exposé à une lumière vive, en particulier celle des écrans et des luminaires, pendant deux à trois heures avant de vous coucher. C’est plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, mais la plupart des téléphones intelligents modernes fournissent des outils intégrés pour limiter la fonctionnalité de l’appareil en fonction de l’heure, vous permettant de couper les notifications et d’éliminer les tentations à l’heure du coucher et tôt le matin. Songez également à varier l’intensité de la luminosité le soir ou à utiliser les options « mode sombre » offertes sur la plupart des téléphones.

Qu'en est-il des des lunettes qui filtrent la lumière bleue?

Bien entendu, il n’est pas forcément possible de cesser complètement de passer du temps devant un écran. Lors de leur introduction, les lunettes avec des lentilles conçues pour filtrer la lumière bleue ont semblé s'avérer utiles. Un essai randomisé réalisé en 2009 auprès d’un échantillon limité de personnes a permis de constater que la qualité du sommeil et l’humeur de ceux et celles qui portaient des lunettes bloquant la lumière bleue au cours des trois heures précédant le coucher s’étaient nettement améliorées [7]. Une étude ultérieure qui s’était concentrée sur les adolescents avait également fait ressortir des effets notables sur les taux de suppression de la mélatonine [8]. Cependant, une analyse publiée en 2023 intégrant toutes les études antérieurs de qualité sur le sujet (méta-analyse), n'a pas confirmé les observations initiales [9]. Ce n'est pas surprenant : ce n,est probablement pas tant la lumière émise par nos écrans, mais plutôt le contenu qu'ils renferment qui risque de nuire le plus à notre sommeil!

Adoptez une bonne hygiène du sommeil

Au lieu de regarder votre téléphone ou votre tablette avant d’aller au lit, intégrez de bonnes habitudes de sommeil dans votre routine, comme la relaxation et la respiration abdominale, et soyez conscient des signes précurseurs du sommeil comme une baisse de la température de votre corps. Réservez la chambre à coucher pour les moments intimes et le sommeil, et accordez une grande priorité à la qualité de votre sommeil, sans toutefois en faire une obsession.

À lire aussi : Troubles du sommeil et conseils pour une meilleure hygiène du sommeil

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Cette version actualisée de l’article représente une révision de l’article initialement publié sur notre site web. Nous avons pris en compte les évolutions récentes pour vous offrir de l’information à jour et pertinente.

Sources8
  1. Cain, Neralie et Michael Gradisar. « Electronic Media Use and Sleep in School-Aged Children and Adolescents: A Review », Sleep Medicine 11, no 8 (2010) : 735–42. https://doi.org/10.1016/j.sleep.2010.02.006.
  2. Lund, L., Sølvhøj, I.N., Danielsen, D. et al. Electronic media use and sleep in children and adolescents in western countries: a systematic review. BMC Public Health 21, 1598 (2021). https://doi.org/10.1186/s12889-021-11640-9
  3. Liu, Shuai, Yun Kwok Wing, Yanli Hao, Weixia Li, Jihui Zhang et Bin Zhang. « The Associations of Long-Time Mobile Phone Use with Sleep Disturbances and Mental Distress in Technical College Students: a Prospective Cohort Study », Sleep 42, no 2 (mars 2018). https://doi.org/10.1093/sleep/zsy213.
  4. U. Laval. Atelier de transformation numérique. https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2022/09/netendances-2020-usage-des-appareils-mobiles-au-quebec.pdf. Consulté le 16 février 2025.
  5. Foerster, Milena, Andrea Henneke, Shala Chetty-Mhlanga et Martin Röösli. « Impact of Adolescents’ Screen Time and Nocturnal Mobile Phone-Related Awakenings on Sleep and General Health Symptoms: A Prospective Cohort Study », International Journal of Environmental Research and Public Health 16, no 3 (décembre 2019) : 518. https://doi.org/10.3390/ijerph16030518.
  6. Harvard Health Publishing. « Blue Light Has a Dark Side », Harvard Health. (Consulté en novembre 2019). https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/blue-light-has-a-dark-side.
  7. Burkhart, Kimberly et James R Phelps. « Amber Lenses to Block Blue Light and Improve Sleep: a Randomized Trial », Chronobiology International. U.S. National Library of Medicine, décembre 2009. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20030543.
  8. Lely, Stéphanie van der, Silvia Frey, Corrado Garbazza, Anna Wirz-Justice, Oskar G. Jenni, Roland Steiner, Stefan Wolf, Christian Cajochen, Vivien Bromundt, et Christina Schmidt. « Blue Blocker Glasses as a Countermeasure for Alerting Effects of Evening Light-Emitting Diode Screen Exposure in Male Teenagers », Journal of Adolescent Health. Elsevier, 3 octobre 2014. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1054139X14003243.