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Parole de spécialiste — 15 minutes

La pharmacogénétique pour une médication plus ciblée

10 février 2022

Michel Cameron, Ph. D.
Michel Cameron, Ph. D.
Directeur adjoint, pharmacogénomique, liaison en sciences médicales
LinkedIn

En 2005, à Toronto, une jeune mère traitée à la codéine à la suite d’une épisiotomie a mortellement intoxiqué son bébé de 11 jours en l’allaitant. L’enquête a conclu que la femme avait un métabolisme ultrarapide, ce qui implique que son corps a transformé une plus grande quantité de codéine en morphine. Elle aurait ensuite, sans le savoir, transmis le puissant analgésique à son enfant par le lait maternel [1].

Les conséquences d’un métabolisme lent ou rapide

Michel Cameron, directeur adjoint en pharmacogénétique chez Biron, explique que « lorsqu’une pilule est ingérée, elle se dissout dans l’organisme pour produire son effet. Elle est ensuite métabolisée, c’est-à-dire transformée par nos enzymes (principalement situées dans le foie) pour faciliter, selon le cas, son activation et son élimination ». Seulement, chez certaines personnes, ces enzymes peuvent être défectueuses.

Pour l’enzyme qui métabolise la codéine, le CYP2D6, environ 3% des individus au Canada seraient des métaboliseurs ultrarapides alors que plus ou moins 6% seraient des métaboliseurs lents.

Médicament Type de métabolisme Effet
Codéine Lent Le taux de codéine est élevé dans le sang alors que le taux de morphine reste bas = peu ou pas d’effets recherchés (le médicament risque d’être inactif).
Codéine Rapide Le taux de codéine baisse rapidement alors que le taux de morphine monte en flèche = effets toxiques causés par la morphine (risque d’apnée, de coma, voire d’arrêt cardio-respiratoire).

Ces résultats varient aussi selon l’origine ethnique. Par exemple, les métaboliseurs rapides compteraient pour environ 8% de la population d’origine nord-africaine. Selon le type de métabolisme, la prise du médicament peut avoir des conséquences diamétralement opposées [2].

La génétique pour expliquer ce phénomène

Des études ont été réalisées à la suite du décès du nourrisson à Toronto. Une équipe a suivi des mères traitées au Tylenol avec codéine no 3 dont les bébés avaient été malades. Les tests génétiques effectués ont révélé que plusieurs d’entre elles avaient un métabolisme ultrarapide [3].

L’intérêt d’utiliser la pharmacogénétique dans le choix des traitements

Les individus ne réagissent pas tous de la même manière aux médicaments. La même dose peut bien fonctionner chez l’un et peu chez l’autre, voire entraîner de graves effets secondaires. Cette réaction très spécifique aux traitements est étroitement liée à notre ADN.

Fusion des mots pharmacologie (étude des médicaments) et génétique, la pharmacogénétique étudie l’influence de nos gènes dans notre réponse aux médicaments. Elle a pour objectif d’améliorer l’efficacité des traitements et la sécurité des patients et patientes [4].

Comment effectuer un test pharmacogénétique?

Le test consiste à prélever un simple échantillon salivaire (qui ne demande aucune préparation particulière) et à observer les enzymes responsables de la métabolisation.

Un médicament est une molécule que l’organisme perçoit comme un corps étranger, une menace à éliminer. Une trentaine de sortes d’enzymes sont chargées de cette mission de métabolisation, et chacune a ses préférences selon les molécules à traiter. De ce fait, les enzymes mobilisées varient en fonction du médicament. Notre métabolisme peut ainsi réagir lentement à certaines classes de médicaments et rapidement à d’autres.

« La pharmacogénétique permet souvent de limiter la période d’essai-erreur et aide ainsi à réduire les délais dans la recherche de la bonne médication à la bonne dose. En testant une liste de marqueurs spécifiques, on peut déterminer le rythme de métabolisation des personnes. »

Michel Cameron, Ph. D.
Michel Cameron, Ph. D.
Directeur adjoint, pharmacogénomique, liaison en sciences médicales
LinkedIn

Les observations ainsi effectuées permettent d’orienter plus efficacement le choix d’un traitement et de limiter les risques de complications ou, au contraire, d’inefficacité du médicament.

Différentes avenues à explorer grâce à la pharmacogénétique

Même si cette science, qui relève de la médecine personnalisée, est encore relativement nouvelle, elle n’en suscite pas moins un vif intérêt chez les praticiens et praticiennes.

Des études pharmacogénétiques sont en cours au Canada sur divers problèmes de santé potentiellement liés à la prise de médicaments. Elles touchent des sujets variés, comme l’effet des médicaments sur les enfants souffrant de problèmes de santé mentale. Malheureusement, jusqu’à 50% de ces enfants reçoivent des traitements qui sont inefficaces ou qui causent des effets secondaires pénibles. Dr Chad Bousman, professeur de génétique médicale à l’Université de Calgary, qui dirige le projet PGx-SParK dans son laboratoire PsychPGx, estime qu’une large portion du processus essai-erreur pourrait être évitée grâce aux tests pharmacogénétiques.

En Europe, la possibilité d’intégrer la pharmacogénétique aux systèmes de santé publique est actuellement à l’étude. Le projet Ubiquitous Pharmacogenomics a été mis sur pied afin d’évaluer l’impact de la pharmacogénétique sur l’efficacité, la sécurité et le coût des traitements. Ce projet de recherche phare formulera plusieurs recommandations sur la meilleure manière d’introduire la pharmacogénétique dans le système de santé européen et, plus particulièrement, de l’intégrer aux prises de décision médicale sans pour autant perturber les soins cliniques de routine.

Si le projet s’avère un succès, le chemin tracé permettra aux systèmes de santé internationaux d’emboîter le pas.

En terminant, il faut noter qu’après quelques cas de problèmes respiratoires aigus, Santé Canada déconseille depuis 2013 d’administrer de la codéine aux enfants de moins de 12 ans, puisque certains la métabolisent trop rapidement [5].

Pour du soutien professionnel, nous sommes là.

Nous offrons des services qui peuvent aider votre médecin à évaluer les risques qu’un médicament vous cause des effets indésirables ou qu’il soit inefficace.

Prenez rendez-vous en ligne ou communiquez avec le service à la clientèle de Biron Groupe Santé au 1 855 943-6379.

Sources5
  1. Pauline Gravel (8 novembre 2008). « À chaque métabolisme sa médication », Le Devoir, https://www.ledevoir.com/societe/sante/214915/a-chaque-metabolisme-sa-medication
  2. F. Milosavljevic et coll. (2021). « Association of CYP2C19 and CYP2D6 Poor and Intermediate Metabolizer Status With Antidepressant and Antipsychotic Exposure: A Systematic Review and Meta-analysis », JAMA Psychiatry, 78(3):1-11 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7702196/
  3. Lauren E. Kelly et coll. (2012). « More Codeine Fatalities after Tonsillectomy in North American Children », Pediatrics, 129(5):e1343-7, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22492761/
  4. Michel Lhermitte, Delphine Allorge et Franck Broly F (2006). « Le polymorphisme génétique des enzymes du métabolisme des médicaments. Une opportunité pour un traitement individualisé », Académie nationale de médecine, https://www.academie-medecine.fr/le-polymorphisme-genetique-des-enzymes-du-metabolisme-des-medicaments-une-opportunite-pour-un-traitement-individualise/
  5. Santé Canada (2016). « Résumé de l’examen de l’innocuité - Produits contenant de la codéine - Évaluation approfondie du risque de problèmes respiratoires graves chez les enfants et les adolescents ». https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/medeffet-canada/examens-innocuite/resume-examen-innocuite-produits-codeine-evaluation-approfondie-risque-problemes.html
Michel Cameron, Ph. D.
Michel Cameron, Ph. D.
Directeur adjoint, pharmacogénomique, liaison en sciences médicales
LinkedIn
Souhaitant rendre la science de la génétique accessible à tous, Michel Cameron a cofondé BiogeniQ en 2014, une entreprise spécialisée en génétique où il a dirigé la conception et le développement de tests pharmacogénomiques qui est aujourd’hui détenue par Biron, Michel Cameron détient un doctorat en pharmacologie de l’Université de Montréal et a effectué des études postdoctorales en pharmacogénomique au Centre de pharmacogénomique de l’Institut de cardiologie de Montréal.