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Centre du savoir — 12 minutes

Alimentation et migraines : quand ce qu’on mange nous donne mal à la tête

7 avril, 2025

Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste

Avez-vous déjà ressenti ce mal de tête puissant qui frappe juste après – juste un seul! – verre de vin rouge? Si oui, vous n’êtes pas seul! Le lien entre l’alimentation et les migraines intrigue depuis longtemps, et la science commence tout juste à mieux comprendre quels aliments peuvent jouer un rôle dans l’apparition ou l’intensité des crises.

Mais attention : ce n’est pas parce qu’on mange du chocolat un jour de migraine que c’est forcément lui le coupable! Le corps humain est complexe, et les mécanismes ne sont pas toujours aussi évidents qu’on pourrait le croire. Alors, on décrypte tout ça ensemble… sans mal de tête! alimentation-migraines

Mieux comprendre les migraines

La migraine n’est pas simplement un « gros mal de tête ». C’est une véritable tempête neurologique pouvant durer des heures, voire des jours [1-2]. Elle est accompagnée de symptômes variés : une douleur pulsatile intense, des nausées, ainsi qu’une sensibilité accrue à la lumière et au bruit. Quand elle frappe, on n’a qu’une envie : s’enrouler dans une couverture, s’enfermer dans le noir et attendre que ça passe.

Pourquoi ça arrive

La science explore toujours cette question, mais on sait déjà que la migraine repose sur l’interaction de plusieurs facteurs génétiques, neurologiques, hormonaux et environnementaux [1-3]. Le cerveau des personnes migraineuses semble particulièrement sensible aux différents stimuli, et certains facteurs, comme le stress, le manque de sommeil, les fluctuations hormonales ou encore certains aspects de l’alimentation, pourraient déclencher ou aggraver les crises.

Faire la différence entre la cause et les déclencheurs

Il est essentiel d’aborder le sujet des causes alimentaires avec douceur et compréhension. On pointe souvent du doigt certains aliments, comme la caféine, l’alcool, le glutamate monosodique (présent dans de nombreux aliments transformés), les fromages vieillis, les agrumes, les charcuteries (contenant sulfites et sulfates) et l’aspartame (édulcorant artificiel) [5]. Mais il n’y a pas que les aliments qui peuvent contribuer à déclencher une migraine; la fatigue peut s’avérer un élément déclencheur.

Il faut comprendre que la migraine est avant tout une affection neurologique complexe (la cause), et que les crises peuvent simplement être déclenchées par un cumul de facteurs du quotidien, par exemple le stress ou l’alimentation [2]. Ce regard bienveillant sur la situation permet de dédramatiser et de ne pas se sentir coupable de ne pas avoir une alimentation « parfaite » lorsqu’une crise survient.

Et ça, ça aide grandement à mieux gérer ses migraines.

L’alimentation comme outil de prévention

Avant même de penser aux aliments à éviter, il est essentiel d’instaurer une routine alimentaire solide. On va dire que c’est comme établir une bonne base [5-6]. Entre autres, on gagne à privilégier des repas complets et variés, composés de fruits, de légumes, de grains entiers, de protéines maigres et de bonnes sources de gras, comme les noix, les graines ou les poissons gras. Ces habitudes favorisent non seulement la santé en général, mais elles peuvent aussi jouer un rôle protecteur contre les crises migraineuses.

La régularité des repas, un facteur sous-estimé

Ce n’est pas seulement ce qu’on mange qui compte, mais aussi quand on le mange. Des études ont montré que le jeûne prolongé ou le fait de sauter des repas sont des déclencheurs fréquents de migraine. Maintenir un apport énergétique stable tout au long de la journée peut aider à prévenir les maux de tête. Pour plusieurs, prévoir une collation légère toutes les trois à quatre heures peut réellement changer la donne. À noter : les personnes migraineuses devraient éviter les pratiques alimentaires populaires, comme le jeûne intermittent, qui peuvent aggraver la fréquence ou l’intensité des crises.

S’hydrater tout le long de la journée

La déshydratation est un déclencheur de migraine bien établi. Pourtant, on oublie souvent que la sensation de soif survient après que le corps a commencé à manquer d’eau. Boire régulièrement, même en l’absence de soif, peut réellement réduire la fréquence et l’intensité des crises. C’est particulièrement important en climat froid, où on a naturellement tendance à moins s’hydrater. L’objectif : viser environ 1,5 à 2 litres de liquides par jour, répartis tout au long de la journée.

La caféine, à la fois un déclencheur ou un remède

L’interaction entre la caféine et les migraines a été très bien étudiée [7]. C’est pourquoi on est capable d’émettre des recommandations fiables sur le sujet. Pour certains, une petite dose de caféine – un espresso, un thé noir ou même une boisson de type cola – peut aider à soulager une migraine naissante, d’autant plus que la caféine entre dans la composition de plusieurs médicaments contre les maux de tête. Mais pour d’autres, c’est plutôt l’inverse : une consommation excessive ou irrégulière de café peut favoriser l’apparition des migraines et même entraîner des maux de tête dits de rebond.

Quelques repères pour mieux gérer la caféine lorsqu’on a des migraines

Si les migraines sont occasionnelles : il est recommandé de ne pas dépasser une ou deux boissons caféinées par jour.

Si les maux de tête sont fréquents ou quotidiens : l’idéal serait de limiter ou même d’éviter complètement la caféine.

Pour les médicaments contenant de la caféine : il vaut mieux les utiliser avec parcimonie, pas plus de deux jours par semaine, pour éviter le phénomène de rebond, et de consulter son pharmacien.

Si on souhaite réduire sa consommation : y aller doucement! Une diminution progressive permet d’éviter les symptômes de sevrage (fatigue, irritabilité) et quelques maux de tête supplémentaires!

Les méthodes utilisées en nutrition pour mieux gérer les migraines

Lorsqu’on soupçonne un lien entre l’alimentation et les migraines, plusieurs approches peuvent aider à mieux comprendre ce qui influence les crises et comment notre alimentation peut y contribuer.

Le journal alimentaire et des symptômes

C’est souvent le point de départ de la démarche nutritionnelle et la méthode qui est recommandée par les lignes directrices [1-4]. Pendant quelques semaines, on note tout ce qu’on mange et boit, en plus des symptômes migraineux et d’autres facteurs, comme le stress, le sommeil, le cycle menstruel ou l’activité physique.

L’objectif n’est pas d’éliminer certains aliments, mais plutôt de repérer des liens entre les habitudes de vie et les épisodes de migraine. C’est une méthode précieuse pour mieux comprendre sa propre réalité… sans tirer de conclusions trop rapides.

L’éducation alimentaire

Chez plusieurs personnes migraineuses, ce n’est pas toujours l’aliment en lui-même qui pose problème, mais le moment où il est mangé ou les conditions dans lesquelles il est consommé. Par exemple, un morceau de chocolat peut très bien être toléré après une bonne nuit de sommeil et un repas équilibré… mais déclencher une migraine s’il est mangé en pleine journée de stress, le ventre vide, après avoir sauté un repas.

Cette approche vise à mieux comprendre ses propres déclencheurs, plutôt que d’éliminer inutilement des aliments. Elle se fait idéalement avec l’accompagnement d’un ou une diététiste-nutritionniste, qui peut aider à faire le tri entre les vrais signaux et les fausses alarmes – tout en préservant la variété et le plaisir de manger.

Les approches alimentaires globales

Les approches alimentaires globales à privilégier :

  • Le régime méditerranéen : c’est l’approche la mieux documentée jusqu’à maintenant, et dans plusieurs affections médicales, incluant les migraines. Riche en légumes, fruits, grains entiers, légumineuses, poissons, noix et huile d’olive, elle offre une combinaison d’aliments qui permettent un équilibre nutritionnel et qui sont protecteurs pour la santé. Plusieurs études semblent indiquer qu’elle pourrait contribuer à réduire la fréquence ou l’intensité des migraines, en plus de favoriser la santé cardiovasculaire et métabolique. Accessible, équilibrée et durable, c’est une base solide pour quiconque souhaite mieux manger sans se priver inutilement.

À surveiller, les approches alimentaires encore exploratoires

Certaines approches alimentaires suscitent l’intérêt pour leur effet potentiel sur les migraines, mais les données scientifiques sont encore limitées ou peu concluantes. Ces pistes peuvent parfois être envisagées, mais toujours avec prudence et avec un accompagnement professionnel [1-2,6] :

  • La diète faible en histamine : l’histamine est une molécule naturellement présente dans plusieurs aliments, comme le vin rouge, les fromages affinés, les charcuteries, les poissons en conserve ou fumés, les bouillons commerciaux, le chocolat, les tomates, les épinards et les avocats. Puisque cette sensibilité est très variable d’une personne à l’autre, la science ne permet pas encore de tirer de conclusions claires. C’est pourquoi la diète faible en histamine est parfois testée dans des cas ciblés, mais elle ne devrait jamais être adoptée sans supervision, en raison de ses nombreuses restrictions et de la difficulté à la suivre.
  • La diète cétogène : souvent présentée comme une solution miracle, la diète cétogène est aussi l’une des plus restrictives [9]. Quelques petites études ont observé des effets positifs à court terme sur la fréquence des migraines, mais ces résultats restent préliminaires. Cette approche peut entraîner des effets secondaires, des carences et nécessite un suivi médical strict. Malgré sa popularité, ce n’est pas une approche à essayer en premier lieu ni une solution durable pour la majorité d’entre nous.
  • Les régimes faibles en tyramine ou en glutamate monosodique (MSG) : certains patients indiquent une sensibilité individuelle à des composés, comme la tyramine (fromages vieillis, charcuteries, vin rouge) ou le glutamate monosodique (présent dans certains plats préparés ou cuisines asiatiques) [6,10]. La recherche n’a pas établi de lien clair entre ces composés et les migraines dans la population générale. Ces régimes peuvent parfois être explorés au cas par cas, mais leur efficacité reste à démontrer.
La diète d’exclusion (ou régime d’élimination), une piste à explorer avec précaution

Quand on vit avec des migraines, on est souvent prêt à tout essayer. Mais éliminer des aliments « au cas où » n’est pas toujours la meilleure solution [6].

Le régime d’élimination consiste à retirer temporairement certains aliments soupçonnés de déclencher des migraines, puis à les réintroduire un à un. Cette méthode peut parfois aider à repérer des tendances ou des déclencheurs personnels, mais elle n’est pas sans limites.

Même si cette méthode a longtemps été recommandée, on sait aujourd’hui que les études sont peu concluantes, surtout chez les adultes. Et mal encadrée, cette approche peut entraîner des carences ou une relation malsaine avec la nourriture. C’est pourquoi elle n’est suggérée que dans des cas très précis, et toujours avec un accompagnement professionnel.

La supplémentation ciblée

Certains nutriments, comme le magnésium, la riboflavine (B2), la coenzyme Q10 ou l’acide alpha-lipoïque sont à l’étude pour prévenir les migraines [11-12]. Ces suppléments peuvent parfois être utiles, mais ils ne conviennent pas à tout le monde.

Ce n’est pas parce qu’un produit est « naturel » qu’il est sans risque. Toute supplémentation devrait se faire sous supervision médicale et avec les conseils d’une nutritionniste, pour éviter les interactions, ajuster les doses et s’assurer que c’est réellement pertinent.

À retenir

Mieux manger ne fera peut-être pas disparaître à tout coup les migraines, mais comprendre quand et quoi mettre dans son assiette peut grandement aider à mieux les apprivoiser.

Sources11
  1. Migraine Québec. « Mieux vivre avec la migraine, c’est possible ». https://www.migrainequebec.org/fr/. Consulté en mars 2025.
  2. Migraine Canada. Ressources éducatives pour les personnes vivant avec la migraine (en anglais seulement).https://migrainecanada.org/patient-education-resource-kit-migraine-management-in-one-source/. Consulté en mars 2025.
  3. Sutherland HG, Albury CL, Griffiths LR. Advances in genetics of migraine. J Headache Pain. 2019;20(1):72. doi:10.1186/s10194-019-1033-9
  4. Mallampalli MP, Reddy A, Nordin JD, et al. Care Gaps and Recommendations in Vestibular Migraine: An Expert Panel Summit. Front Neurol. 2022;12:812678. doi:10.3389/fneur.2021.812678
  5. Hindiyeh NA, Zhang N, Farrar M, Banerjee P, Lombard L, Aurora SK. The Role of Diet and Nutrition in Migraine Triggers and Treatment: A Systematic Literature Review. Headache. 2020;60(7):1300-1316. doi:10.1111/head.13836
  6. Bunner AE, Agarwal U, Gonzales JF, Valente F, Barnard ND. Nutrition intervention for migraine: a randomized crossover trial. J Headache Pain. 2014;15(1):69. doi:10.1186/1129-2377-15-69
  7. Gadoth N, Hering-Hanit R. Caffeine as a risk factor for chronic daily headache: a population-based study. Neurology. 2005;65(1):180. doi:10.1212/01.wnl.0000167696.35406.24
  8. Tu YH, Chang CM, Yang CC, Tsai IJ, Chou YC, Yang CP. Dietary Patterns and Migraine: Insights and Impact. Nutrients. 2025;17(4):669. doi:10.3390/nu17040669
  9. Neri LCL, Ferraris C, Catalano G, et al. Ketosis and migraine: a systematic review of the literature and meta-analysis. Front Nutr. 2023;10:1204700. doi:10.3389/fnut.2023.1204700
  10. Lucerón-Lucas-Torres M, Ruiz-Grao MC, et al. Association between wine consumption and migraine: a systematic review and meta-analysis of cross-sectional. Alcohol. 2025;60(2):agaf004. doi:10.1093/alcalc/agaf004
  11. Dominguez LJ, Veronese N, Sabico S, Al-Daghri NM, Barbagallo M. Magnesium and Migraine. Nutrients. 2025;17(4):725. doi:10.3390/nu17040725
Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste
Annie Ferland est diététiste-nutritionniste, docteure en pharmacie et fondatrice de ScienceFourchette.com, une plateforme en ligne indépendante qui explore la nutrition avec une approche scientifique, accessible et bienveillante. Elle détient également une maîtrise en kinésiologie et un certificat en promotion de l’activité physique de l’Université de la Caroline du Sud. Elle a également complété cinq années d’études postdoctorales, dont deux en épidémiologie nutritionnelle et trois en nutrition clinique à l’Université du Colorado à Denver. Membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, elle s’investit activement dans l’avancement des connaissances en nutrition et prône une approche scientifique, accessible et axée sur le plaisir de manger.