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Parole de spécialiste — 16 minutes

Les impacts d’un manque de sommeil sur le poids

Dr Pierre Mayer
Dr Pierre Mayer
Pneumologue - Directeur médical - Sommeil

Dormir est essentiel pour passer une bonne journée. Et ce n’est pas seulement à cause de la fatigue que l’on ressent si l’on dort trop peu. Le manque de sommeil perturbe l’équilibre hormonal d’une manière qui peut avoir des effets concrets sur l’organisme.

Depuis 50 ans, nous souffrons de plus en plus d’embonpoint et dormons de moins en moins. La proportion de gens obèses est passée de 10 % à 25 %, tandis que nos nuits de sommeil ont été écourtées de plus de 2 heures et demie en moyenne. Selon plusieurs chercheurs, la privation de sommeil est le principal facteur à l’origine de l’épidémie d’obésité actuelle [1,2]. En effet, un gain de poids et une augmentation du tour de taille, de la masse adipeuse et de l’apport calorique seraient associés à un sommeil insuffisant et de mauvaise qualité [4, 5, 6, 7].

Comment le manque de sommeil favorise-t-il la prise de poids ?

Le manque de sommeil influencerait nos hormones et nos comportements de la façon suivante :

  • Dérèglement des hormones qui régulent la faim ;
  • Consommation d’aliments pour diminuer la fatigue ;
  • Augmentation des occasions de s’alimenter ;
  • Hausse de la sédentarité ;
  • Baisse du taux de sucre dans le sang.

Des chercheurs québécois ont analysé le risque d’obésité chez 283 sujets au cours d’une période de 6 ans. Ils ont constaté qu’à lui seul, le manque de sommeil triple le risque d’obésité, une augmentation comparable à celle que produisent l’inactivité et une alimentation riche en graisses combinées [2].

Dérèglement des hormones qui régulent la faim

La faim et la satiété sont toutes deux régies par des hormones. Plusieurs études ont suggéré que le manque de sommeil cause une augmentation de la ghréline, l’hormone qui déclenche la faim, ainsi qu’une diminution de la leptine, l’hormone qui la coupe [8]. De plus, un manque de sommeil entraîne une hausse du taux de cortisol, l’hormone du stress, ce qui tend à augmenter notre appétit, et notamment nos envies de sucre. On pourrait donc être portés à consommer plus de calories lorsqu’on manque de sommeil [8, 9]. Une méta-analyse réalisée en 2017 a d’ailleurs révélé qu’une personne en manque de sommeil consomme 400 calories de plus qu’une personne ayant dormi suffisamment [4]. À ce rythme, ce surplus calorique se traduirait par une prise de poids estimée à près de 18 kilos (40 livres) par année.

Consommation d’aliments pour diminuer la fatigue

L’étude de l’alimentation des gens en manque de sommeil révèle que ceux-ci ont tendance à favoriser les aliments riches en gras au détriment des aliments protéinés [6]. Ce n’est pas étonnant quand on sait que manger stimule la sécrétion d’orexine, l’hormone qui diminue la fatigue. L’orexine est associée à des comportements alimentaires axés sur la recherche de récompenses et dans lesquels l’aliment n’est pas consommé pour assouvir la faim, mais pour combler un besoin émotionnel ou psychologique. Il en résulterait un faible contrôle des impulsions, ce qui augmenterait la tendance à consommer plus de calories que nécessaire [8]. Chez les enfants, le manque de sommeil est associé à une consommation accrue d’aliments peu nutritifs et de boissons gazeuses au détriment des fruits et légumes [11].

À lire aussi : Apnée du sommeil et diabète de type 2 : une liaison dangereuse

Augmentation des occasions de s’alimenter

L’augmentation du temps d’éveil due à la courte durée du sommeil accroît les occasions de manger et favorise la tendance à grignoter. Les calories brûlées pendant la période d’éveil ne compensent malheureusement pas les calories ingérées en raison de la fatigue et des changements de métabolisme.

Hausse de la sédentarité

La fatigue associée au manque de sommeil pourrait contribuer à réduire le niveau d’activité physique et à augmenter des comportements sédentaires comme regarder la télévision. Les études n’ont toutefois pas pu démontrer ces facteurs de façon constante [8].

Baisse du taux de sucre dans le sang

Les longues heures d’éveil sont associées à une légère baisse de la glycémie, ce qui stimule en retour la sécrétion de ghréline, l’hormone qui déclenche la faim.

Le cas de l’apnée du sommeil

Attention aux idées préconçues : tout le monde peut être touché par l’apnée du sommeil, quel que soit son poids. L’obésité demeure cependant le principal facteur de risque. En effet, la répartition des graisses au niveau du cou, du pharynx et du ventre (abdomen) peut bloquer le passage de l’air dans les voies respiratoires supérieures (nez, gorge) au cours de la nuit et provoquer ainsi des arrêts respiratoires, donc de l’apnée du sommeil. La fatigue et les perturbations métaboliques qui en découlent sont susceptibles d’entretenir le cercle vicieux mauvais sommeil-prise de poids.

Vers un poids santé

Apporter des changements à ses habitudes de vie demeure la solution à préconiser pour retrouver un poids santé. Heureusement, comme la qualité du sommeil s’améliore généralement avec le bon traitement de l’apnée du sommeil, il devient plus aisé de revoir ses habitudes.

À lire aussi : Les défis d'une alimentation saine et équilibrée

Pour du soutien professionnel, nous sommes là.

Nous offrons des services qui peuvent aider votre médecin à diagnostiquer les troubles du sommeil et à déterminer le traitement approprié.

Si vous avez des questions ou désirez obtenir plus d’information, n’hésitez pas à contacter le service à la clientèle de Biron Groupe Santé au 1 833 590-2713.

Sources12
  1. VanCauter, E. (2008), « Metabolic Consequences of Sleep and Sleep Loss », Sleep Medecine, vol. 9, suppl. 1.
  2. Chaput, J.-P. (2010), « Risk Factors for Adult Overweight and Obesity: The Importance of Looking Beyong the ‘Big Two’ », Obes Facts, vol. 3, p. 320-327.
  3. Povitz, M. et coll. (2017), « Wait Times from Diagnosis to Treatment of Obstructive Sleep Apnea in Ontario: A Population-Based Cohort Study », Sleep and Health Policy, C80-D, A6526-A6526.
  4. Hale, L. (2012), « Longitudinal associations between sleep duration and subsequent weight gain: a systematic review », Sleep Medicine Reviews, vol. 16, no 3, p. 231-241.
  5. Després, J. P., Bouchard, C. et Tremblay, A., (2008), « The association between sleep duration and weight gain in adults: a 6-year prospective study from the Quebec Family Study », International Journal of Obesity, 32S35-S35.
  6. Al Khatib, H. K., Darzi, J., Pot, G.K.. (2017), « The effects of partial sleep deprivation on energy balance: a systematic review and meta-analysis » European Journal of Clinical Nutrition, 2017, vol. 71, no 5, p. 614-624.
  7. Fatima, Y., Doi, S. et Mamun, A. (2016), « Sleep quality and obesity in young subjects: A meta-analysis », Obesity Reviews, vol. 17, no 11, p. 1154-1166. doi:10.1111/obr.12444
  8. Hartman, Terryl J. et coll. (2012), « Partial sleep deprivation and energy balance in adults: an emerging issue for consideration by dietetics practitioners », Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics, vol. 112, no 11, p. 1785-1797.
  9. Shechter, A. (2017), « Obstructive sleep apnea and energy balance regulation: A systematic review », Sleep Medicine Reviews, vol. 34, p. 59-69.
  10. Stice, E., Burger, K. S. et Yokum, S. (2013), « Relative ability of fat and sugar tastes to activate reward, gustatory, and somatosensory regions »,The American Journal of Clinical Nutrition, vol. 98, no 6, p. 1377–1384. doi:10.3945/ajcn.113.069443
  11. Córdova, F. V., Barja, S. et Brockmann, P.E. (2018), « Consequences of short sleep duration on the dietary intake in children: A systematic review and metanalysis », Sleep Medicine Reviews, vol. 42, p. 68-84
  12. Basoglu, O. et coll. (2018), « Change in weight and central obesity by positive airway pressure treatment in obstructive sleep apnea patients: Longitudinal data from the ESADA cohort », Journal of Sleep Research, vol. 27, no 6.
Dr Pierre Mayer
Dr Pierre Mayer
Pneumologue - Directeur médical - Sommeil
Professeur agrégé de clinique et directeur de la clinique du sommeil du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Dr Mayer est pneumologue et possède une formation postdoctorale sur les troubles du sommeil de l’Université Joseph Fourier, à Grenoble, en France, et de l’Université McGill, à Montréal. Il est le directeur médical de Biron-Soins du sommeil depuis 1998.