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Parole de spécialiste — 18 minutes

Connaissez-vous les dispositifs pour tester les patients à leur chevet, alias les POCT ?

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

Depuis peu, les POCT connaissent un essor foudroyant. Les personnes qui gravitent dans la sphère médicale sont bien au fait de ce sigle anglais, qui désigne le « point-of-care testing ». Ils connaissent également son équivalent français ADBD, qui correspond à « analyse de biologie délocalisée ». Mais ce ne fut pas toujours ainsi.

Au début des années 1970, les seuls examens délocalisés étaient réalisés entièrement à la main. Ils reposaient sur l’utilisation, par des infirmières et des médecins, de bandelettes pour mesurer certains paramètres urinaires (pH, protéines, etc.) ou sur le recours à des tests d’urine pour mesurer le glucose et les corps cétoniques chez les patients diabétiques.

Déjà à l’époque, plusieurs pharmacies offraient des tests de grossesse réalisés sur place, dont le fameux PregnosticonMD, qui reposait sur la même technologie que celle utilisée à l’époque en laboratoire hospitalier.

Une évolution fulgurante

L’arrivée des glucomètres

La première révolution est venue avec l’introduction, en milieu hospitalier et à domicile, de glucomètres comme le DextrometerMD. Ces dispositifs ne nécessitaient qu’une seule goutte de sang prélevée sur le bout du doigt. Leur utilisation visait surtout à réduire les délais de traitement souvent longs des laboratoires centraux.

Les appareils d’aujourd’hui sont sans commune mesure avec ceux de l’époque, tant sur le plan de la convivialité que du volume de sang requis et de la précision du résultat. Sans oublier que les résultats peuvent être versés directement au dossier électronique du patient. Aujourd’hui, ce sont plus de 1 500 mesures du taux de glucose sanguin par jour que le CHUM rapatrie à son laboratoire central !

Les années 1980 à 2000 : miniaturisation électronique, microfluidique et nanotechnologies

Les années 1980 à 2000 ont vu apparaître tour à tour des appareils POCT pour mesurer le taux de cholestérol, assurer le suivi des patients sous anticoagulant, évaluer la progression de paramètres vitaux (gaz artériels, glucose, électrolytes, etc.) au bloc opératoire ou aux soins intensifs et détecter les drogues de rue directement à l’unité des urgences.

Et ça ne s’arrête pas là ! Les technologies récentes de miniaturisation électronique, la microfluidique et les nanotechnologies permettent d’envisager des laboratoires de pointe et quasi complets tenant dans une simple valise.

Transmission de données en temps réel

Du côté du suivi des patients, des analyseurs de glucose implantés sur ou sous la peau sont déjà sur le marché et permettent d’analyser le taux de glucose des patients problématiques toutes les cinq (5) minutes pendant une semaine. Le résultat est retransmis instantanément à l’équipe soignante via un téléphone intelligent.

Les maladies infectieuses

Des analyses POCT facilitent également le diagnostic de plusieurs maladies infectieuses. Il existe des appareils capables de réaliser en quelques minutes, hors laboratoire, une analyse d’ADN afin de déceler des souches bactériennes et virales.

L’un de ces appareils est particulièrement utile lors de la saison de la grippe, car il peut détecter une série de bactéries et de virus responsables de nombreuses infections respiratoires. Actuellement, la surutilisation d’antibiotiques serait grandement responsable de l’émergence de souches bactériennes résistantes à la majorité des traitements sur le marché. C’est sans mentionner qu’on prescrit souvent d’emblée des antibiotiques pour traiter des infections des voies respiratoires, alors que celles-ci sont d’origine virale, et non bactérienne.

Or, l’apparition de telles souches multirésistantes et hautement contagieuses mettrait les populations en grand danger. La situation serait plus simple si les cliniciens disposaient de ces fameux analyseurs de type POCT afin de déterminer de façon fiable la nature du problème avant même que le patient ne quitte la clinique.

Il existe présentement quelques analyseurs POCT capables de détecter, par exemple, le streptocoque du groupe B responsable d’un grand nombre de cas d’infections à la gorge. Il existe également d’autres tests accessibles pour le dépistage de l’influenza, de la mononucléose et de différentes infections transmissibles sexuellement.

À lire aussi : Pharyngite à streptocoque : Biron permet d’en avoir le cœur net plus rapidement grâce au test moléculaire

La pandémie de COVID-19

Toute pandémie comme celle de la COVID-19 exerce une pression considérable sur les ressources de laboratoire. Comment diagnostiquer rapidement les individus atteints dans des populations qui dénombrent des centaines de milliers, voire des millions de personnes ? Déjà, au début de la pandémie, l’incapacité à tester les individus à temps a été responsable d’une propagation accélérée de l’infection dans la plupart des pays occidentaux. Ce facteur a certainement contribué à la gravité de la crise dans les centres d’hébergement et de soins de longue durée au Québec.

Des analyses de type POCT seront absolument nécessaires dans toutes les situations où des résultats rapides seront requis (confinement immédiat vs retour rapide au travail d’employés potentiellement contaminés, unités de soins en région éloignée, etc.). Au moment d’écrire ces lignes, on trouve sur le marché des appareils de dépistage rapide de l’ARN (chromosome) du virus SRAS-CoV-2, dont un modèle entièrement canadien (Spartan Bioscience). D’autres appareils ou dispositifs de type POCT servent également à effectuer des analyses sérologiques (détection des anticorps contre le virus de la COVID-19) dans différentes régions du monde. Seules ces technologies permettront aux autorités de santé publique de faire un suivi adéquat de la pandémie au sein des différentes populations.

À lire aussi: Tests de dépistage de la COVID-19, comment s’y retrouver?

Des professionnels de la santé méfiants

La fiabilité des analyses de type POCT suscite toutefois la méfiance des professionnels de laboratoire. Les dispositifs médicaux utilisés au Canada doivent certes être homologués par Santé Canada – c’est-à-dire que les fabricants doivent prouver l’adéquation de leurs produits avec les spécifications indiquées –, mais il suffit de regarder la liste des rappels pour constater que l’homologation d’un produit n’est pas forcément garante de son efficacité. En plus des vices de fabrication, les produits doivent être conservés dans des conditions adéquates et utilisées avant leur date de péremption en suivant les consignes à la lettre.

Le maintien de la qualité est une réalité incontournable en médecine de laboratoire. Il est indispensable de mettre en place des programmes d’assurance qualité complets comprenant une vérification régulière des produits (contrôle de qualité interne et externe, traçabilité des réactifs, documentation des sources d’erreur, certification et recertification du personnel). Le tout est soumis à des inspections régulières par des organismes compétents (Agrément Canada, BNQ, ISO, etc.). À cet égard, les dispositifs de type POCT risquent de ne pas être à la hauteur s’ils sont utilisés en dehors d’un cadre rigoureux par du personnel non formé à cette fin.

Posez des questions

La prochaine fois qu’une technologie de type POCT sera utilisée pour vous ou l’un de vos proches, n’hésitez pas à poser des questions sur le processus d’assurance qualité. Après tout, le médecin se servira de cette information pour poser un diagnostic ou choisir un traitement – des décisions qui ne sont pas sans conséquence. Pour ces mêmes raisons, redoublez de vigilance devant les dispositifs de type POCT annoncés sur Internet qui sont destinés à être utilisés directement par le consommateur. Il en va de votre santé .

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique
Pendant une cinquantaine d’années, Raymond Lepage a agi comme biochimiste clinique responsable de laboratoires tant publics que privés. Professeur agrégé de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et professeur associé à l’Université de Sherbrooke, il a également été consultant, chercheur, expert juriste et conférencier. Auteur ou coauteur de plus de 100 publications parues dans des congrès et des revues scientifiques, il consacre désormais une partie de sa semi-retraite à la vulgarisation scientifique.