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Centre du savoir — 14 minutes

Démystifier la « guerre au sucre »

17 mars 2025

Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste

« Il faut couper le sucre! »

Voilà une phrase qu’on entend régulièrement, comme si c’était la solution à tous les problèmes de santé. Il est indéniable que le sucre est au cœur de nombreux débats, et qu’il est souvent pointé du doigt comme la cause de maladies chroniques, de la prise de poids et même d’une dépendance comparable à celle de la cocaïne. Bonbons Mais le sucre est-il vraiment l’ennemi numéro un contre lequel il faut mener une guerre sans pitié? Avant de le diaboliser, prenons un moment pour comprendre son rôle dans notre alimentation et démystifier ce qu’est exactement « la guerre au sucre ».

Le début de la guerre

L’idée selon laquelle on devrait faire « la guerre au sucre » ne date pas d’hier. À la fin des années 1950, la préoccupation croissante face aux maladies cardiovasculaires a fait exploser la recherche en nutrition, donnant naissance à des débats importants parmi les experts [1]. Deux écoles de pensée se sont alors affrontées. D’un côté, un groupe de recherche, sous l’influence du médecin-physiologiste américain Ancel Keys, avait ciblé le gras comme étant le principal responsable des problèmes de santé. De l’autre, une approche opposée, portée par le nutritionniste britannique John Yudkin, mettait en cause le sucre [2].

Cet affrontement entre deux clans, l’un qui fait la guerre au sucre et l’autre qui fait la guerre au gras, a marqué le début d’une longue bataille sur les effets, parfois avérés ou non, des différents nutriments présents dans les aliments. Bien que la guerre soit restée dans l’imaginaire collectif, la recherche, elle, a évolué.

Une guerre révisée

Aujourd’hui, la recherche ne se contente plus de pointer du doigt le sucre. Les scientifiques s’intéressent désormais à la qualité globale des aliments que l’on consomme, aux différents types de sucre qu’ils contiennent et à l’interaction complexe de ces éléments dans notre alimentation [3]. Ce changement de perspective permet des analyses plus nuancées, mieux adaptées à notre réalité et nous aide à mieux comprendre le sucre sous toutes ses formes. Explorons maintenant ses différentes facettes!

Comprendre le sucre pour faire de bons choix

Expliquer ce qu’est le sucre, c’est un peu plus complexe que de simplement dire « sucre ». En réalité, le terme englobe plusieurs types de glucides, chacun ayant des caractéristiques et des effets différents sur notre corps [4].

Le sucre peut être naturellement présent, comme dans les fruits et légumes (sous forme de glucose, de fructose et de sucrose) ainsi que dans les produits laitiers (sous forme de lactose). Ces différents types de sucres ne sont pas considérés comme des sucres ajoutés, car ils font partie de l’aliment dans son état naturel, souvent avec d’autres nutriments bénéfiques pour la santé.

Lorsque l’on parle de « sucres ajoutés », on fait référence à des sucres qui ne sont pas naturellement présents dans les aliments, mais qui sont ajoutés au cours du processus de fabrication, pour améliorer leur goût, leur texture ou leur durée de conservation. Parmi les sources courantes de sucres ajoutés, on retrouve, par exemple, le sucre de table (sucrose), le miel (glucose et fructose), le sirop d’érable (sucrose, glucose, fructose) et le sirop de maïs à haute teneur en fructose (glucose et fructose) — pour une compréhension juste, consulter le Complément d’information en fin d’article.

La purée de fruits, comme la purée de dattes, peut parfois aussi être considérée comme un sucre ajouté lorsqu’elle est utilisée pour sucrer des produits transformés ou des recettes, même si elle provient d’un aliment qui en contient naturellement.

Petit lexique simplifié des 4 appellations du sucre dans notre alimentation

Sucres totaux : C’est le total des sucres retrouvés dans un aliment, qu’ils soient naturellement présents ou ajoutés.

Sucres naturellement présents : Ce sont les sucres qui font partie des aliments tels qu’ils existent dans la nature, comme ceux qu’on retrouve dans les fruits, les légumes et les produits laitiers.

Sucres ajoutés : Ce sont les sucres qu’on ajoute aux aliments pendant la préparation, la transformation ou à la table. Cela inclut le sucre blanc, la cassonade, le miel, le sirop d’agave, le sirop d’érable et le sirop de maïs.

Sucres libres : Les sucres libres regroupent les sucres ajoutés aux aliments et aux boissons, ainsi que ceux naturellement présents dans le miel, les sirops, les jus de fruits et les concentrés de jus de fruits. En revanche, ils ne comprennent pas les sucres contenus dans les fruits entiers, les légumes et les produits laitiers, car ces derniers sont accompagnés de fibres ou de protéines qui ralentissent leur absorption. Comme les sucres libres sont rapidement assimilés par l’organisme, ils entraînent une hausse plus rapide de la glycémie et peuvent avoir un effet plus direct sur la santé métabolique.

Sucres-totaux

Comment identifier les sucres ajoutés

Heureusement, plusieurs outils nous aident à identifier les sucres ajoutés dans les aliments. 

Tout d’abord, le tableau de la valeur nutritive nous donne la quantité totale de sucre par portion. Mais attention : il ne fait pas la distinction entre les sucres naturellement présents, comme ceux des fruits, et les sucres ajoutés. Bien que cette information soit quand même utile, il est important de regarder la liste des ingrédients pour repérer les sucres qui sont ajoutés. Si des termes comme « sucre », « sirop de maïs » (ou « sirop de maïs à haute teneur en fructose »), « miel » ou « sirop d’érable » figurent parmi les premiers de la liste, cela indique que le produit contient des sucres ajoutés. Plus un ingrédient est placé en début de liste, plus sa quantité est importante dans le produit.

Valeur-nutritive

Et à partir du 1er janvier 2026, un symbole nutritionnel apparaîtra sur les emballages de certains produits [5]. Ce symbole indiquera si l’aliment est trop riche en gras saturés, sucre ajouté ou sodium. Cela nous permettra de repérer plus facilement, d’un simple coup d’œil, les produits trop riches en sucres ajoutés, en rendant nos choix plus simples et éclairés.

Symbole-nutritionnel

Les allégations marketing autour du sucre

Un autre aspect dont il faut parler, ce sont les allégations marketing sur les emballages, qui mettent en avant certaines caractéristiques d’un produit pour attirer l’attention des consommateurs [6]. Quand un aliment est étiqueté « sans sucre » ou « zéro sucre », cela signifie qu’il contient très peu ou pas du tout de sucre ajouté. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il est totalement exempt de sucre ni qu’il est forcément plus nutritif. Ces produits peuvent en réalité contenir des édulcorants, des substances qui apportent un goût sucré sans calories. On retrouve par exemple la stévia ou l’aspartame dans certains aliments.

Ainsi, même si un produit affiche la mention « sans sucre ajouté », cela ne garantit pas toujours que sa valeur nutritive soit à la hauteur de nos attentes. Il est donc important de toujours lire l’ensemble de l’étiquette, y compris la liste des ingrédients, pour savoir exactement ce que l’on consomme.

Bon à savoir

Le sucre ajouté n’est pas un poison en soi, mais si on en consomme trop souvent et en trop grande quantité, cela a des effets négatifs sur la santé [4,7]. Chez les enfants, une consommation excessive est directement liée à un risque accru de caries dentaires. Chez les jeunes et les adultes, elle peut aussi entraîner une surconsommation de calories qui dépasse les besoins réels du corps. À long terme, un excès de sucres ajoutés est associé à un risque élevé de maladies chroniques, dont le diabète de type 2, certaines formes de cancer, la stéatose hépatique métabolique et les maladies cardiovasculaires. 

Comprendre les recommandations de sucre ajouté, en cuillères à thé

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et Santé Canada recommandent de limiter les sucres ajoutés à moins de 10 % des calories quotidiennes, et même à 5 % pour des bénéfices encore plus importants [7-8]. Cependant, ces pourcentages peuvent être compliqués à comprendre, alors voyons ça en cuillères à thé de sucre.

Par exemple, pour une personne qui mange environ 2000 calories par jour, cela équivaut à environ 50 g de sucre ajouté, soit 12 cuillères à thé. Si l’on vise la recommandation de 5 %, cela représente 25 g, soit 6 cuillères à thé de sucre ajouté par jour. Une canette de boisson gazeuse ou de soda, par exemple, peut contenir jusqu’à 40 g de sucre ajouté, soit presque la totalité de la quantité recommandée pour la journée. C’est pourquoi certains experts souhaiteraient qu’on mette en place une taxe sur ces produits.

Une vision flexible des sucres ajoutés

Il est important de reconnaître que les sucres ajoutés peuvent être utiles dans certains contextes. Lorsqu’on désire en consommer, il est essentiel de les intégrer de manière réfléchie dans une alimentation saine. Par exemple, les sportifs peuvent avoir besoin de glucides qui s’absorbent rapidement avant, pendant ou après l’exercice pour améliorer leurs performances et leur récupération [9]. De même, après une intervention chirurgicale, pendant une maladie ou en cas de dénutrition, les sucres peuvent être nécessaires pour assurer un apport énergétique suffisant et soutenir la guérison. Enfin, il ne faut pas oublier que les petits plaisirs, comme un dessert de temps en temps ou une sucrerie partagée en famille, font partie des moments de bonheur de la vie et ne doivent pas être associés à cette « guerre ».

Les mystères que le microbiote va un jour nous révéler

Le microbiote intestinal est sur toutes les lèvres, et certains avancent que le sucre pourrait perturber son équilibre. C’est une piste de recherche en pleine évolution : les premières études laissent à penser qu’une alimentation riche en sucres ajoutés pourrait avoir un effet sur le microbiote intestinal, mais bien des questions restent sans réponse [10]. Ce qu’on sait, c’est que l’effet du sucre varie d’une personne à l’autre, et qu’il est influencé par des facteurs comme la génétique, le mode de vie et l’alimentation globale. Même si un excès de sucre ajouté semble favoriser la croissance de certaines bactéries nuisibles, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Néanmoins, ce domaine de recherche évolue rapidement et pourrait, dans l’avenir, affiner les recommandations en matière de santé.

Faire la paix avec « la guerre au sucre »

Maintenant que l’on connaît mieux le sucre et qu’on sait que tout n’est ni blanc ni noir, il est clair que parler de « la guerre au sucre » mène à une vision négative de la nutrition. Au lieu de diaboliser tous les sucres, il vaut mieux adopter une approche plus nuancée et positive. 

Parce que dire « la guerre au sucre », ça met tous les sucres dans le même panier, qu’ils soient naturellement présents dans les aliments ou ajoutés, et ça, ça crée une vision immensément culpabilisante. Certes, ce genre de discours attire les clics sur les médias sociaux, puisque c’est sensationnaliste! Mais ça peut nous pousser à adopter des comportements restrictifs difficiles à maintenir à moyen ou long terme. La recommandation officielle, ce n’est pas de supprimer complètement le sucre, mais de limiter les excès de sucres ajoutés, tout en ayant une alimentation variée et équilibrée, riche en légumes et en fruits (donc des sucres naturellement présents dans les aliments).

Et il ne faut pas l’oublier : un discours plus bienveillant aide à mieux vivre notre relation à la nourriture et à faire des choix alimentaires durables et bons pour la santé. C’est pourquoi il faut aussi arrêter de dire qu’on fait « la guerre au sucre »!

Complément d’information

Sources courantes de sucres ajoutés dans l’alimentation (tels que figurant dans la liste des ingrédients)

Sucres raffinés et non raffinés : Sucre de table (sucrose), sucre de canne (sucrose, souvent non raffiné ou partiellement raffiné), sucre de betterave (sucrose, similaire au sucre de canne, mais issu de la betterave sucrière), sucre de coco (principalement du sucrose, avec un peu de glucose et de fructose), rapadura/panela/jaggery (sucrose non raffiné issu de la canne à sucre), mélasse (résidu du raffinage du sucre; contient du sucrose, du glucose et du fructose avec des minéraux).

Sirops et édulcorants liquides : Miel (glucose et fructose en proportions variables selon l’origine florale), sirop d’érable (sucrose, glucose, fructose, avec des traces de minéraux), sirop de maïs à haute teneur en fructose (glucose et fructose, souvent en proportions variables; utilisé principalement dans les boissons gazeuses et produits transformés), sirop de maïs (principalement du glucose), sirop d’agave (majoritairement du fructose, avec un peu de glucose), sirop de riz brun (maltose et glucose; issu de l’hydrolyse de l’amidon du riz brun), sirop de dattes (principalement du fructose et du glucose; dérivé des dattes écrasées et filtrées), sirop de sorgho (similaire au sirop de maïs, mais issu du sorgho; contient du glucose et du fructose)

Sucres issus d’amidons hydrolysés : Dextrose (glucose pur, souvent issu du maïs ou du blé, utilisé dans les industries alimentaire et pharmaceutique), maltose (deux molécules de glucose; souvent issu de l’hydrolyse de l’amidon, utilisé dans les sirops et la bière), maltodextrine (chaîne courte de glucose, souvent ajoutée aux aliments transformés comme épaississant ou édulcorant léger).

Autres édulcorants naturels utilisés comme sucre ajouté : Jus de fruits concentrés (principalement du fructose et du glucose, souvent utilisé dans les aliments transformés comme édulcorant naturel), poudre de lucuma (édulcorant naturel issu du fruit du lucuma; contient du glucose et du fructose, mais avec un index glycémique plus bas), poudre de yacon (principalement des fructooligosaccharides, qui pourraient avoir un effet prébiotique et un index glycémique plus bas), purée de dattes (riche en fructose et glucose, souvent utilisée dans les produits transformés comme alternative sucrée naturelle).

Sources10
  1. « WHO’s war on sugar ». The Lancet. 2016;388(10055):1956. 
  2. Yudkin, John, 1910-1995. (1972). « Pure, white and deadly: the problem of sugar ». London :Davis-Poynter Ltd.
  3. 2020 Dietary Guidelines Advisory Committee, Dietary Patterns Subcommittee. « Dietary Patterns and Risk of Cardiovascular Disease: A Systematic Review ». Alexandria (VA): USDA Nutrition Evidence Systematic Review; 15 juillet 2020.
  4. Institut national de santé publique (2017). « La consommation de sucre et la santé » [En ligne], Gouvernement du Québec https://www.inspq.qc.ca/sites/default/files/publications/2236_consommation_sucre_sante_0.pdf. Cconsulté le 26 février 2025.
  5. Santé Canada (2025). « Messages de sensibilisation à l’étiquetage sur le devant de l’emballage » [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/aliments-et-nutrition/messages-sensibilisation-etiquetage-devant-emballage.html. Consulté le 24 février 2025.
  6. Santé Canada (2024). « Étiquetage nutritionnel : Allégations nutritionnelles » [En ligne]. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/etiquetage-nutritionnel/allegations-nutritionnelles.html. Consulté le 24 février 2025.
  7. Santé Canada (2022). « Sucres : Les sucres et votre santé » [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/nutriments/sucres.html. Consulté le 24 février 2025.
  8. Organisation mondiale de la Santé (2015). « Guideline: Sugars Intake for Adults and Children » [En ligne] http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/149782/1/9789241549028_eng.pdf?ua=1. Genève : Organisation mondiale de la Santé. Consulté le 24 février 2025.
  9. Thomas DT, Erdman KA, Burke LM. « American College of Sports Medicine Joint Position Statement. Nutrition and Athletic Performance » [correction publiée dans Med Sci Sports Exerc. Janv. 2017;49(1):222].
  10. Ramne S, Brunkwall L, Ericson U, et al. « Gut microbiota composition in relation to intake of added sugar, sugar-sweetened beverages and artificially sweetened beverages in the Malmö Offspring Study ». Eur J Nutr. 2021;60(4):2087-2097. 
Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste
Annie Ferland est diététiste-nutritionniste, docteure en pharmacie et fondatrice de ScienceFourchette.com, une plateforme en ligne indépendante qui explore la nutrition avec une approche scientifique, accessible et bienveillante. Elle détient également une maîtrise en kinésiologie et un certificat en promotion de l’activité physique de l’Université de la Caroline du Sud. Elle a également complété cinq années d’études postdoctorales, dont deux en épidémiologie nutritionnelle et trois en nutrition clinique à l’Université du Colorado à Denver. Membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, elle s’investit activement dans l’avancement des connaissances en nutrition et prône une approche scientifique, accessible et axée sur le plaisir de manger.