Parole de spécialiste — 8 minutes
Blues hivernal, luminothérapie et « menu dopamine »
20 décembre 2024

Pensez-vous souffrir de blues hivernal? Si oui, sachez que vous êtes loin d’être seul.e. Le blues hivernal, une forme légère de trouble affectif saisonnier, toucherait en effet près de 20 % de la population des régions nordiques comme le Québec, où les journées d’hiver sont particulièrement courtes. Pour une fraction de la population – entre 3 et 4 %, ce chiffre pouvant grimper jusqu’à 10 % en Alaska – les symptômes sont plus graves et se rapprochent de ceux d’une dépression saisonnière [1]. La dépression saisonnière est étroitement associée à la baisse de la lumière naturelle du jour pendant les longs mois d’hiver.
Quels sont les symptômes de la dépression saisonnière?
Les personnes atteintes de dépression saisonnière peuvent présenter les signes suivants [2] :
- problèmes d’humeur tels que tristesse, ennui ou irritabilité;
- besoin accru de sommeil;
- fatigue et manque d’énergie;
- augmentation de l’appétit avec des envies de glucides, tels que le pain, les pâtes, et les sucreries, ce qui peut entraîner une prise de poids;
- isolement social et sensibilité au rejet;
- perte d’intérêt ou de plaisir dans les activités.
Dans les formes plus graves, les symptômes caractéristiques de la dépression peuvent inclure des sentiments de désespoir et d’impuissance, et même conduire à des idées suicidaires [3].
Mécanismes de la dépression saisonnière
Les mécanismes sous-jacents de la dépression saisonnière ne sont pas entièrement définis. Cependant, ils semblent être liés, de façon simplifiée, à l’action de trois neurotransmetteurs clés : la mélatonine, la sérotonine et la dopamine. Ces petites molécules jouent un rôle essentiel dans la communication entre les cellules nerveuses, en influençant notamment l’humeur, le sommeil et la motivation.
Connue sous le nom de l’hormone du sommeil, nous la sécrétons le soir et la nuit, lorsque la lumière diminue. Un taux plus élevé de mélatonine en hiver serait associé à une baisse d’énergie et à un besoin accru de sommeil.
Également appelée hormone du bonheur, la sérotonine a un rôle crucial dans l’équilibre de notre sommeil, de notre appétit et de notre humeur. Les niveaux de sérotonine ont également tendance à diminuer avec la réduction de la lumière naturelle en hiver, ce qui peut affecter notre bien-être.
Surnommée hormone du plaisir et de la récompense, la dopamine est responsable de la régulation de notre humeur et de notre motivation. Bien qu’il ne soit pas prouvé que la baisse de la luminosité ait une conséquence directe sur la production de la dopamine, il est certain que la diminution des activités agréables pendant l’hiver, fréquente pour plusieurs d’entre nous, affecte ses niveaux.
Comment peut-on combattre le blues hivernal?
La diminution de la lumière naturelle est l’un des principaux facteurs du blues hivernal. Pour atténuer ses effets, il faut augmenter notre exposition à la lumière. Cela peut passer notamment par des activités extérieures. À défaut de profiter de la lumière naturelle suffisante grâce à ces dernières, la luminothérapie peut être une solution efficace contre le blues hivernal. En effet, ce traitement augmente les taux de sérotonine, réduit ceux de mélatonine et pourrait s’avérer bénéfique dans plus de 60 % des cas, sans provoquer d’effet secondaire [4].
Chaque matin, l’exposition des yeux à une lampe de luminothérapie d’au moins 10 000 lux, placée à environ 30 cm (12 pouces) du visage, pendant 30 à 45 minutes est recommandée. Le traitement devrait idéalement commencer au début de l’automne, lorsque les journées raccourcissent, et être poursuivi régulièrement en début de journée.
Les lampes à DEL émettant une lumière bleutée doivent être évitées, en raison des risques pour la rétine. Certaines couvertures d’assurance permettent le remboursement de l’achat d’une lampe à photothérapie si celle-ci est prescrite par votre professionnel de la santé [5].
La luminothérapie s’intègre idéalement dans un programme de vie saine, qui devrait comprendre :
- une activité physique régulière;
- une alimentation équilibrée;
- une bonne hygiène du sommeil;
- une gestion du stress efficace;
- des activités stimulantes pour l’esprit et qui permettent d’éviter l’isolement.
Contrairement à la mélatonine et à la sérotonine, la dopamine ne répond pas significativement à la photothérapie. Pour en stimuler la production, il est essentiel de compléter l’exposition à la lumière naturelle ou à la photothérapie par des activités qui nous apportent du plaisir et de la satisfaction. Ces moments de plaisir varient d’une personne à l’autre : plonger dans un bon livre, assister à un spectacle, regarder un film au cinéma ou encore passer du temps avec des proches.
Le « menu dopamine »
Le concept de « menu dopamine » aurait émergé sur TikTok et est initialement conçu pour les personnes vivant avec un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ce menu propose une approche simple : réduire le temps passé sur les écrans afin de permettre au cerveau de se ressourcer. Cette méthode est maintenant recommandée dans divers contextes, notamment pour aider à combattre la dépression saisonnière [6].
Comme son nom l’indique, l’idée du « menu dopamine » vient de son organisation qui ressemble à un menu de restaurant, mais qui ne contiendrait que des éléments qui nous font plaisir.
Elles nécessitent peu d’effort et offrent une récompense immédiate : regarder une courte vidéo amusante, se rafraîchir le visage, faire un bref exercice d’étirement, ou résoudre un sudoku facile.
Un peu plus consistant, il demande un effort soutenu tout en restant à notre portée : partager un lunch avec un ami, réorganiser une pièce, assembler un casse-tête d’une bonne taille, chausser ses patins, explorer les sentiers d’une forêt ou s’adonner à un jeu de société.
Ces petites douceurs enrichissent des activités plus exigeantes : savourer un latte bien mérité après une randonnée, appeler un ami ou un proche pour prendre de ses nouvelles, se laisser porter par l’histoire d’un livre audio ou d’un balado captivant, prendre un bain chaud et apaisant, ou concocter un plat qui ravira les papilles.
Tout comme un vrai dessert, il procure une grande satisfaction, mais il reste à savourer avec modération : jouer à un jeu sur son téléphone intelligent, faire une sieste, se faire plaisir en magasinant, ou se régaler en commandant un plat à domicile.
Les expériences d’exception – organiser un voyage, savourer un repas dans un bon restaurant ou assister à un spectacle mémorable, par exemple – ne sont pas toujours accessibles.
Et, comme au restaurant, tous les plats ne conviennent pas forcément à nos goûts. Il est toujours possible d’essayer un type de menu, mais si la satisfaction n’est pas au rendez-vous, rien ne vous empêche de tester un autre menu qui correspondra mieux à vos envies.
La notion de « menu dopamine » n’est pas présente dans les ouvrages médicaux, mais ces menus se composent principalement d’activités que nous choisissons par nous-mêmes, et qui, bien que stimulantes, peuvent être bénéfiques sans nuire à notre bien-être.
Une approche équilibrée pour un hiver en douceur
Le blues hivernal affecte près d’un Québécois sur 5 alors que la dépression saisonnière sévère en concerne 1 sur 20. Si certains cas sont suffisamment graves pour nécessiter l’intervention de professionnels de la santé et l’usage de médicaments, la majorité des cas peuvent être contrôlés en bonne partie par de saines habitudes de vie (activité physique, sommeil de qualité, alimentation équilibrée, etc.) complétées, au besoin, par de la photothérapie, et pourquoi pas, par un « menu dopamine » totalement personnalisé. Bon hiver à tous et à toutes!
Sources6
- A.-M. Gagne, G. Bouchard, P. Tremblay, A. Sasseville et M. Hebert. Quand la saison devient synonyme de dépression. Med Sci (Paris). Vol. 26, No 1, Janvier 2010, p. 79-82. https://doi.org/10.1051/medsci/201026179. Consulté le 16 décembre 2024.
- Santé mentale.ca. La dépression saisonnière (trouble affectif saisonnier). https://www.esantementale.ca/Yukon/Trouble-affectif-saisonnier-Depression-saisonniere/index.php?m=article&ID=8870). Consulté le 19 décembre 2024.
- Sucide.ca. Dépression saisonnière : reconnaitre les symptômes et trouver de l’aide | Suicide.ca. Consulté le 20 décembre 2024.
- Raimondi. Blues hivernal ou vraie dépression? Pulsations. Hôpitaux Universitaires Genève. https://pulsations.hug.ch/article/blues-hivernal-ou-vraie-depression. Consulté le 20 décembre 2024.
- C.E. Carrier. Luminothérapie : mode d’emploi. La Presse. https://www.lapresse.ca/vivre/sante/201511/17/01-4921730-luminotherapie-mode-demploi.php. Consulté le 20 décembre 2024.
- S. Moniuszko. How to build a “dopamine menu” to combat the fall and winter blues. CBS News, 8 novembre 2024. v. How to build a "dopamine menu" to combat the fall and winter blues - CBS News. Consulté le 20 décembre 2024.