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Santé mentale masculine: la détresse est bel et bien réelle

5 mai 2025

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

La communication des sentiments négatifs ou des idées noires chez l’homme est souvent dictée par les normes sociales auxquelles se plie notre monde moderne. Malheureusement, certains clichés sont encore tenaces, comme le fait qu’un homme, ça ne demande pas d’aide et ça ne pleure pas. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : sur les 4 000 décès par suicide recensés chaque année au Canada, les trois-quarts concernent des hommes – soit trois fois plus que chez les femmes [1]. La détresse masculine est bel et bien réelle et avec la montée en popularité de nombreux sites prônant le retour du « mâle alpha », elle ne risque pas de disparaître de sitôt [2].

Le suicide chez les hommes : une réalité préoccupante

Si le cancer et les maladies cardiaques sont la principale cause de décès chez les hommes de plus de 40 ans, le suicide représente la deuxième cause chez les hommes âgé de 18 à 39 ans, juste après les les accidents [3]. Les raisons qui expliquent cette triste statistique sont nombreuses. Les données laissent entendre que le ratio est possiblement plus important, car les tentatives de suicide des hommes sont plus fructueuses que celles des femmes, qui ne parviennent pas toujours à mettre fin à leurs jours. Cela dit, l’une des principales raisons du suicide chez la gent masculine est sans doute liée à la conception traditionnelle de la masculinité. En considérant les problèmes de santé mentale comme indignes d’un homme, un grand nombre d’entre eux s’empêche de sonner l’alarme, de demander de l’aide à leur entourage ou à des professionnels de la santé [1].

Qui sont les plus à risque ?

Selon la Commission de la santé mentale du Canada, quatre groupes d’hommes seraient particulièrement vulnérables [1] :

  • Ceux qui vivent dans des milieux où les normes de masculinité sont rigides. Ces normes incluent leur difficulté à accepter de l’aide pour leur santé mentale;
  • Ceux qui consomment régulièrement une grande quantité d’alcool. Les hommes sont plus nombreux que les femmes à adopter une consommation excessive ou prolongée. Cette habitude peut non seulement provoquer ou aggraver une dépression sévère, mais aussi diminuer les inhibitions liées aux pensées suicidaires. L’alcool est d’ailleurs plus fréquemment présent lors de suicides chez les hommes que chez les femmes;
  • Ceux qui présentent des troubles concomitants de dépression et de consommation d’alcool ou d’autres substances qui haussent l’irritabilité et la colère, la désinhibition et l’impulsivité;
  • Ceux qui s’isolent ou qui résident seuls, qui font face à une rupture relationnelle, qui vivent un stress post-traumatique, qui sont victimes d’abus ou de violence (discrimination, homophobie, abus sexuels et physiques, violence historique ou coloniale), ou qui sont confrontés à des déménagements ou des relocalisations.

Demander de l’aide n’a rien de honteux

Plusieurs centres de prévention du suicide, dont Suicide Action Montréal, sont accessibles 24 heures sur 24 par téléphone (1 866 APPELLE ou 9-8-8), clavardage (suicide.ca) ou texto (535353 ou 9-8-8). Ces centres invitent les personnes qui ne se sentent pas bien, qui ont perdu leurs repères ou qui n’arrivent plus à voir clair à les contacter pour être entendues. Ils offrent des pistes de solutions et des suggestions de ressources pour retrouver une joie de vivre et un équilibre. Cette démarche peut être pénible, mais elle se déroule dans l’empathie et la bienveillance. Le simple fait de penser à demander de l’aide constitue en soi un premier pas et un excellent moyen d’entamer la conversation.

L’entourage, cette cellule si importante

Présumer que tous les hommes qui pensent au suicide vont demander de l’aide par eux-mêmes relève de la pensée magique. Le rôle de l’entourage est primordial pour diriger la personne souffrante vers les soins appropriés. Selon Centre d’aide 24/7, voici les signes et symptômes qui devraient amener l’entourage à intervenir [4] :

  • l’isolement, l’abandon des amis et des activités habituelles;
  • l’intérêt soudain pour la mort, les armes à feu ou les médicaments;
  • la consommation abusive et inhabituelle d’alcool, de médicaments ou de drogues;
  • l’organisation de ses affaires personnelles, des dons d’objets précieux, la rédaction d’un testament ou, plus éloquente encore, d’une lettre d’adieu;
  • des signes verbaux indirects, comme parler d’un voyage prochain ou d’une disparition;
  • des signes verbaux directs, comme de confier son désir de mourir ou ses pensées suicidaires.

Contrairement à certaines fausses croyances, parler de ses idées suicidaires est rarement une façon d’attirer l’attention : c’est souvent un appel au secours. Les intervenants et les experts ne sont pas les seules personnes qui peuvent le décoder et aider à empêcher l’irréparable. L’entourage le peut aussi. Restons à l’écoute et bâtissons des relations solides.

Sources4
  1. Commission de la santé mentale du Canada. La santé mentale et le suicide chez les hommes au Canada. Consulté le 5 mai 2025.
  2. L. Carrier et F.-X. Duhamel. Le réveil des « mâles alpha ». La Presse, 26 juin 2022. https://www.lapresse.ca/contexte/2022-06-26/societe/le-reveil-des-males-alpha.php. Consulté le 6 mai 2025.
  3. Statistiques Canada. Les principales causes de décès, population totale, selon le groupe d’âge. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1310039401. Consulté le 5 mai 2025.
  4. Centre d’aide 24/7. Reconnaître les signes et symptômes. https://centredaide247.com/comment-aider-et-comprendre/. Consulté le 5 mai 2025.