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Centre du savoir — 11 minutes

Le café du matin, ami ou ennemi du sommeil?

25 février 2025

Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste

Qu’on l’aime corsé, velouté, avec une touche de lait ou bien noir comme la nuit, le café peut parfois jouer les trouble-fêtes au moment du coucher. Mais pourquoi certaines personnes peuvent-elles boire un espresso à 20 h et faire une nuit de rêve, tandis que d’autres peinent à s’endormir après un simple latté en fin de matinée? Avant de crier à l’injustice, il faut savoir que ce petit coup de fouet qui nous donne de l’énergie a parfois des effets insoupçonnés qui ne s’arrêtent pas à la première gorgée.

Mieux comprendre les effets du café, c’est la clé pour faire de bons choix et ajuster notre consommation au fil de la journée.

café et sommeil

Le café, un stimulant énergisant

Si le café est apprécié pour son goût réconfortant, c’est surtout la caféine qu’il contient qui lui donne son pouvoir stimulant [1]. Une fois consommée, cette molécule passe rapidement dans le sang et atteint le cerveau, où elle bloque l’adénosine, une substance qui favorise la détente et l’endormissement [2]. Bingo! On se sent plus éveillé, plus concentré et plein d’énergie. Mais cet effet ne s’arrête pas dès que l’excitation retombe : la caféine peut rester active plusieurs heures dans le corps, retardant l’arrivée du sommeil et perturbant sa qualité, surtout chez les personnes plus sensibles. Et une fois que l’effet de la caféine s’estompe, l’accumulation d’adénosine peut provoquer… un petit contrecoup de fatigue!

De la caféine bien cachée

La caféine n’est pas présente que dans le café. Il y en a aussi dans le thé, le matcha, les boissons énergisantes, les boissons sucrées de type cola, le maté, le guarana et même dans certains chocolats. Sa concentration varie selon la boisson : une tasse de café filtre peut contenir entre 80 et 120 mg de caféine, tandis qu’un thé noir en apporte environ 40 à 60 mg et un matcha, près de 30 à 70 mg [1]. Les boissons énergisantes, elles, sont limitées par une réglementation à 180 mg par portion [3]. 

Santé Canada recommande de ne pas dépasser 400 mg de caféine par jour pour un adulte en bonne santé, soit environ trois tasses de café. Au-delà, on risque nervosité, palpitations, troubles du sommeil et bien d’autres effets indésirables. Il faut également noter que certains médicaments contiennent de la caféine ou peuvent interagir avec celle-ci [6]. Avant de prendre un médicament en vente libre qui contient de la caféine, mieux vaut vérifier auprès de son pharmacien si cela pourrait nous affecter. Et si c’est un médicament d’ordonnance, le pharmacien nous en informera! 

Bon à savoir

On entend souvent dire que le matcha et le thé vert contiennent de la L-théanine, un acide aminé (une molécule) qui pourrait adoucir l’effet stimulant de la caféine, procurant ainsi une vigilance plus stable, sans pic d’excitation. Certaines études suggèrent que la combinaison naturelle de caféine, de L-théanine et de catéchines présente dans le matcha et le thé vert pourrait offrir une stimulation plus douce et prolongée, avec un effet moins important sur le sommeil comparativement au café [4-5].  Mais attention! Les boissons dans lesquelles on a rajouté de la L-théanine artificiellement sous forme de supplément ne semblent pas offrir les mêmes bienfaits… même si on aime bien s’en vanter! 

Trop de café et un sommeil affecté

Mais où trace-t-on la ligne du « trop de café »? Les chercheurs estiment que consommer en moyenne 191 mg de caféine par jour, soit environ deux tasses de café filtre, peut déjà commencer à perturber la qualité du sommeil [6]. Et ce n’est pas tout : une étude a souligné que les buveurs réguliers de café peuvent perdre environ 45 minutes de sommeil, et, en prime, ce sommeil devient moins réparateur [7]. 

Attention, la caféine ne se cache pas que dans le café! Un grand latté (16 oz ou 500 ml) peut contenir près de 150 mg de caféine, tandis qu’une canette de boisson énergisante en apporte entre 80 et 180 mg. Même quelques tasses de thé noir (environ 50 mg par tasse) ou un matcha (de 30 à 70 mg) peuvent s’accumuler au fil de la journée [1]. Plus la dose augmente, plus la caféine prolonge son effet stimulant, retardant l’endormissement et fragmentant le sommeil. Pire encore, un excès de caféine peut affecter le sommeil profond, celui qui permet une vraie récupération [8]. Bref, trop en boire, c’est risquer de le regretter une fois qu’on est bien au chaud sous les draps!

Un café qui n'a pas le même effet sur tout le monde

Et ce n’est pas qu’une question de quantité : certaines personnes métabolisent (éliminent) la caféine plus lentement, ce qui fait que la simple tasse du matin peut encore laisser des traces le soir. Un élément clé pour comprendre cet effet variable de la caféine, c’est sa demi-vie. Ce terme scientifique un peu compliqué désigne le temps nécessaire pour que la moitié de la caféine consommée soit éliminée par notre corps [6].

Par exemple, si on boit un grand café contenant 100 mg de caféine et que notre demivie est de 5 heures, il en restera encore 50 mg après ce délai, puis 25 mg cinq heures plus tard, et ainsi de suite.

Le hic, c’est que la demi-vie du café varie énormément d’une personne à l’autre [1-6]. Certains éliminent la caféine en à peine 2 heures, tandis que d’autres peuvent la garder dans leur corps pendant plus de 12 heures. Résultat? Un café de l’aprèsmidi sera totalement éliminé chez certains avant la soirée, alors que d’autres en ressentiront encore les effets au moment de se coucher. En moyenne, chez un adulte en bonne santé, la demi-vie de la caféine se situe entre 2,5 et 5 heures [6], mais mieux vaut écouter son corps pour savoir où l’on se situe sur l’échelle du métabolisme de la caféine!

Des alternatives peu (ou pas!) caféinées

Remplacer notre café de l’après-midi par une autre boisson chaude et réconfortante peut être une excellente manière de faire la transition en douceur vers la soirée. Voici quelques options :

  • Thé vert : Avec 20 à 45 mg de caféine par tasse, il est riche en antioxydants et en L-théanine, un acide aminé qui aide à réduire les effets stimulants de la caféine.
  • Thé blanc : Très faible en caféine, il offre une expérience subtile et légère, idéal pour ceux qui préfèrent une boisson douce.
  • Thé oolong : Il contient moins de caféine que le thé vert, mais plus que le thé blanc, offrant un juste milieu pour ceux qui cherchent un peu plus de tonus sans trop d’excitation.
  • Rooibos : Complètement sans caféine, ce thé rouge d’Afrique du Sud est une boisson apaisante parfaite en fin de journée.
  • Infusions : Des classiques comme la camomille, la menthe ou la lavande sont toutes sans caféine et semblent apporter une sensation de calme et de détente.
  • Maté décaféiné : Pour un goût robuste sans la stimulation de la caféine, cette option offre une belle alternative tout en restant douce pour le corps.
  • Matcha : Bien que plus riche en caféine (de 60 à 70 mg par tasse), il contient aussi une quantité importante de L-théanine, qui tempère l’effet stimulant de la caféine. C’est un compromis intéressant, mais il est important de l’essayer pour voir comment il agit sur votre corps.
  • Café décaféiné : Une option intéressante pour ceux qui aiment le goût du café sans les effets de la caféine. Cependant, il est important de savoir que le processus de décaféination, qui peut être réalisé à l’aide de solvants, d’eau ou de dioxyde de carbone, altère la saveur du café. Si l’on cherche une alternative qui se rapproche du café régulier, il peut être utile d’explorer différentes marques et divers procédés pour trouver celui qui convient le mieux à nos papilles.

Dormir comme un bébé ou compter les moutons

On ne métabolise pas tous la caféine à la même vitesse, et plusieurs facteurs indépendants de notre volonté entrent en jeu. La génétique est l’un des principaux coupables : certaines personnes possèdent des enzymes hépatiques ultra-efficaces qui éliminent la caféine en un éclair, tandis que d’autres prennent leur temps, prolongeant ainsi ses effets stimulants. L’âge et l’état de santé changent aussi la donne : un foie en pleine forme fait un meilleur ménage de la caféine qu’un foie malade. Le mode de vie s’en mêle également : les fumeurs l’éliminent plus rapidement, alors que les femmes enceintes ou celles qui prennent des contraceptifs hormonaux la gardent plus longtemps dans la circulation. Selon notre profil, une tasse de café peut être un simple coup de pouce dans une journée énergisée ou une invitation à une nuit blanche.

Contrôler sa dose de caféine, pas sa vitesse d'élimination

On aimerait tous pouvoir éliminer la caféine plus rapidement, mais notre corps nous impose son propre rythme, et il n’existe pas de raccourci pour le forcer à aller plus vite! 

Par contre, nos habitudes de consommation influencent la façon dont on la ressent : si on est un grand buveur de café, on risque de développer une certaine tolérance, ce qui atténue progressivement ses effets. Résultat? Il faut boire plus de café pour se sentir éveillé. Mais attention, modifier une routine bien ancrée peut entraîner quelques maux de tête. La meilleure approche reste donc d’écouter son corps et d’ajuster sa consommation en fonction de ses réactions. Si la caféine perturbe notre sommeil, mieux vaut observer à partir de quelle heure elle commence à faire effet… et éviter d’en boire trop tard. Bref, un peu d’essais-erreurs pour trouver son propre équilibre!

Pour devenir un pro de la gestion de la caféine et du sommeil

  • Limiter la consommation de caféine après 13 h : Pour réduire son impact sur notre capacité à nous endormir et s’assurer d’avoir un bon sommeil réparateur, il est judicieux de ne pas consommer de caféine en fin de journée (Gardiner). Notre corps nous remerciera!
  • Explorer des alternatives sans caféine l’après-midi : Remplacer le café par des infusions relaxantes ou des lattés à base de boissons végétales et d’épices peut être une excellente façon de favoriser une transition en douceur vers la soirée.
  • Maintenir une routine de sommeil régulière : Se coucher et se lever à des heures fixes chaque jour peut être un facteur plus déterminant pour la qualité du sommeil que le type de boisson consommée. Selon les experts, on devrait viser entre 7 et 9 heures de sommeil par nuit.
  • Écouter son corps : Si des signes d’anxiété ou d’agitation se manifestent, il est crucial de ne pas les ignorer. Ajuster notre consommation de caféine en fonction de nos besoins individuels est essentiel. L’expérimentation est la clé pour trouver le bon équilibre.
Sources8
  1. Gouvernement du Canada (juillet 2022). La caféine dans les aliments, 2022. [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/salubrite-aliments/additifs-alimentaires/cafeine-aliments.html
  2. van Dam RM, Hu FB, Willett WC. Coffee, Caffeine, and Health. N Engl J Med. 2020;383(4):369-378. doi:10.1056/NEJMra1816604
  3. Gouvernement du Canada (mai 2024). Boissons énergisantes contenant de la caféine, 2024. [En ligne] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/aliments-supplementes/boissons-energisantes-contenant-cafeine.html
  4. Dashwood R, Visioli F. l-theanine: From tea leaf to trending supplement - does the science match the hype for brain health and relaxation? Nutr Res. 2025;134:39-48. doi:10.1016/j.nutres.2024.12.008
  5. Mancini E, Beglinger C, Drewe J, Zanchi D, Lang UE, Borgwardt S. Green tea effects on cognition, mood and human brain function: A systematic review. Phytomedicine. 2017;34:26-37. doi:10.1016/j.phymed.2017.07.008
  6. Nehlig A. Interindividual Differences in Caffeine Metabolism and Factors Driving Caffeine Consumption. Pharmacol Rev. 2018;70(2):384-411. doi:10.1124/pr.117.014407
  7. Gardiner C, Weakley J, Burke LM, et al. The effect of caffeine on subsequent sleep: A systematic review and meta-analysis. Sleep Med Rev. 2023;69:101764. doi:10.1016/j.smrv.2023.101764
  8. Watson EJ, Coates AM, Kohler M, Banks S. Caffeine Consumption and Sleep Quality in Australian Adults. Nutrients. 2016;8(8):479. Publication le 4 août 2016. doi:10.3390/nu8080479
Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste
Annie Ferland est diététiste-nutritionniste, docteure en pharmacie et fondatrice de ScienceFourchette.com, une plateforme en ligne indépendante qui explore la nutrition avec une approche scientifique, accessible et bienveillante. Elle détient également une maîtrise en kinésiologie et un certificat en promotion de l’activité physique de l’Université de la Caroline du Sud. Elle a également complété cinq années d’études postdoctorales, dont deux en épidémiologie nutritionnelle et trois en nutrition clinique à l’Université du Colorado à Denver. Membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, elle s’investit activement dans l’avancement des connaissances en nutrition et prône une approche scientifique, accessible et axée sur le plaisir de manger.