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Centre du savoir — 9 minutes

Comment le microbiome influence-t-il notre santé mentale?

27 février 2025

Jérôme Maheux, Ph. D.
Jérôme Maheux, Ph. D.
Directeur scientifique adjoint

Le lien entre l’intestin et le cerveau est un sujet de recherche qui suscite un vif intérêt. Cette connexion bidirectionnelle, appelée l’axe intestin-cerveau, met en lumière l’influence réciproque entre ces deux organes. Au cœur de cette interaction se trouve notre microbiome intestinal, un ensemble de micro-organismes jouant un rôle essentiel dans notre digestion, notre système immunitaire et notre régulation des neurotransmetteurs. Des études récentes semblent indiquer que le microbiome pourrait avoir une incidence profonde sur les processus neurologiques et la santé mentale [1,2]. Bien que ce domaine de recherche soit encore en pleine exploration, il semble très prometteur. Microbiome

Le microbiome intestinal et son rôle dans le bien-être mental

Le microbiome intestinal abrite une myriade de bactéries, virus et champignons chargés d’accomplir une multitude de fonctions essentielles. Gardien de notre santé digestive, il maintient l’équilibre intestinal en régulant notre pH, en favorisant des contractions musculaires intestinales efficaces et en optimisant l’absorption des nutriments. Son rôle ne s’arrête cependant pas là : il sécrète des enzymes uniques qui aident à digérer les nutriments, à la synthèse de vitamines [3] et à éliminer des substances toxiques ou cancérigènes. Il produit une source d’énergie cruciale pour les cellules intestinales. Puis, au-delà de la digestion, le microbiote agit aussi comme une ligne de défense en renforçant la barrière intestinale et en jouant un rôle clé dans la régulation du système immunitaire [4].

Interaction avec le système nerveux central

L’intestin et le cerveau communiquent en permanence grâce à un réseau complexe faisant intervenir le système nerveux, le système endocrinien et le système immunitaire. Les bactéries de notre intestin produisent différentes substances comme des acides gras à chaîne courte – joueurs essentiels uniquement produits par le microbiome – des neurotransmetteurs tels que la sérotonine et le GABA, ainsi des molécules jouant un rôle dans l’inflammation [5]. Ces substances peuvent activer directement le nerf vague ou circuler dans le sang jusqu’au cerveau. Grâce à ces mécanismes, le microbiote influence nos fonctions cérébrales liées à notre humeur et notre stress.

C’est pourquoi un microbiome déséquilibré peut perturber cette connexion et affecter la santé mentale, en jouant un rôle dans l’anxiété et la dépression.

Les déséquilibres du microbiome et leur influence sur la santé mentale

Un déséquilibre du microbiome, appelé dysbiose, se produit lorsque certaines bactéries opportunistes prennent le dessus sur les bonnes bactéries. Cela peut perturber l’équilibre de l’intestin, réduire la production de substances essentielles, comme les acides gras à chaîne courte, accroître l’inflammation, et réduire l’efficacité de la barrière intestinale.

La dysbiose et les troubles anxieux et dépressifs

Une étude a démontré que lorsque l’on transfère le microbiote intestinal de personnes dépressives à des rats, ces derniers développent des signes de dépression [6]. Cela renforce l’idée que le microbiote joue un rôle dans la santé mentale. Bizarrement, même si la diversité des bactéries reste relativement stable chez les personnes souffrant de troubles mentaux, leur microbiote présente une composition unique [7]. Certaines bactéries clés dans la production d’acides gras à chaîne courte, indispensables au bon fonctionnement du cerveau, semblent en déclin. En revanche, d’autres micro-organismes, intervenant notamment dans la régulation de l’humeur et du stress, sont en croissance [8].

Bien que ces découvertes soient fascinantes, elles ne racontent qu’une partie de l’histoire. Les mécanismes précis établissant un lien entre microbiote et santé mentale ne sont pas encore bien compris, et il faudra davantage de recherches pour comprendre comment exploiter ce lien à des fins thérapeutiques.

L’influence sur les maladies neurodégénératives

Certaines molécules produites par le microbiote jouent un rôle clé dans des maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson. Le microbiote influence la perméabilité de la barrière qui protège le cerveau, permettant à des substances nocives de pénétrer et de provoquer une inflammation cérébrale, un facteur clé dans la progression de ces pathologies [9].

Comment optimiser la santé intestinale pour un meilleur équilibre mental?

L’alimentation et le microbiote

Même si le lien direct entre l’alimentation et la santé mentale via le microbiome n’est pas encore prouvé, nous savons qu’un microbiote diversifié est essentiel pour la santé globale. Une alimentation variée et équilibrée contribue à cette diversité microbienne :

  • Les fibres prébiotiques, présentes dans les fruits, légumes et céréales complètes, nourrissent les bonnes bactéries de l’intestin. Ces fibres favorisent notamment la croissance des bactéries qui produisent des éléments essentiels au bon fonctionnement de l’intestin [10]. Certaines études portent à croire qu’une alimentation riche en fibres pourrait atténuer les symptômes de la dépression et de l’anxiété. Cependant, les essais cliniques randomisés n’ont pas confirmé cet effet de manière concluante [11].
  • Les aliments fermentés, tels que le yaourt, le kéfir, le kombucha, la choucroute, et le miso peuvent contribuer à enrichir la diversité microbienne. Toutefois, leur effet direct sur la santé mentale reste à démontrer [12].
  • Les probiotiques et les postbiotiques sont étudiés pour leur potentiel à influencer le microbiome intestinal et, par conséquent, certains aspects du bien-être psychologique. Néanmoins, davantage de recherches sont nécessaires pour mieux comprendre leurs effets [13].
  • Les aliments ultra-transformés : il est recommandé de limiter la consommation d’aliments ultra-transformés, tels que les aliments supplémentés de sucres, de gras, des colorants ou des agents de conservation, pour préserver l’équilibre du microbiome intestinal et de la santé mentale. Des études semblent indiquer un lien entre ce type d’alimentation et un risque accru de troubles dépressifs, possiblement en raison de leur effet négatif sur la diversité microbienne et l’inflammation intestinale [14].
Gestion du stress et bien-être psychologique

La relation entre le stress et le microbiome intestinal est à la fois indissociable et complexe. Le stress, par sa libération de cortisol dans l’organisme, modifie l’équilibre du microbiome et altère la fonction de barrière de l’intestin, augmentant ainsi sa perméabilité. Cela permet à des molécules indésirables de pénétrer dans la circulation sanguine, en favorisant l’inflammation [15]. Le stress est d’ailleurs un facteur de risque majeur du syndrome du côlon irritable. En retour, le microbiome influence le cerveau via les substances qu’il produit, changeant ainsi la réponse au stress. Cette interaction souligne l’importance d’une alimentation équilibrée et des techniques de relaxation, comme la méditation ou le sport, pour préserver la santé mentale.

Activité physique et équilibre du microbiome

L’activité physique est une clé essentielle pour un microbiome intestinal équilibré. Elle stimule la diversité des bonnes bactéries, renforçant ainsi la flore intestinale. Le sport augmente la production de ces fameux acides gras à chaîne courte, qui produisent des effets positifs sur le cerveau. Les effets de l’exercice sur le microbiome et la santé globale sont multiples et positifs. Restons actifs pour préserver notre microbiote et notre santé mentale [16]!

Une piste prometteuse, mais encore mystérieuse

L’axe intestin-cerveau est un domaine de recherche en plein essor qui met en évidence le rôle central du microbiome dans la santé mentale. De nombreuses études laissent entendre que l’équilibre du microbiote influence l’humeur, le stress et joue un rôle dans certaines pathologies neurologiques, mais les mécanismes précis de ces processus restent encore à élucider. Une approche holistique intégrant une alimentation diversifiée, la gestion du stress et l’activité physique pourrait favoriser un meilleur bien-être psychologique. Toutefois, bien que des modèles animaux et certaines études observationnelles renforcent cette hypothèse, les essais cliniques chez l’humain demeurent limités et parfois contradictoires. Il faudra davantage de recherches pour établir des liens de causalité clairs et établir des stratégies thérapeutiques basées sur le microbiote intestinal.

Sources16
  1. Radjabzadeh D, et al., « Gut microbiome-wide association study of depressive symptoms ». Nat Commun. 6 déc. 2022;13(1):7128. PMID: 36473852
  2. Valles-Colomer M, et al., « The neuroactive potential of the human gut microbiota in quality of life and depression ». Nat Microbiol. Avr. 2019;4(4):623-632. PMID: 30718848.
  3. Valdes AM, et al., « Role of the gut microbiota in nutrition and health ». BMJ. 13 juin 2018;361:k2179. PMID: 29899036.
  4. Vancamelbeke M, et al., « The intestinal barrier: a fundamental role in health and disease ». Expert Rev Gastroenterol Hepatol. Sept. 2017;11(9):821-834. PMID: 28650209.
  5. Góralczyk-Bińkowska A, et al., « The Microbiota-Gut-Brain Axis in Psychiatric Disorders ». Int J Mol Sci. 24 sept. 2022;23(19):11245. PMID: 36232548.
  6. Knudsen JK, et al., « Faecal microbiota transplantation from patients with depression or healthy individuals into rats modulates mood-related behaviour ». Sci Rep. 8 nov. 2021;11(1):21869. PMID: 34750433.
  7. Nikolova VL, et al., « Perturbations in Gut Microbiota Composition in Psychiatric Disorders: A Review and Meta-analysis ». JAMA Psychiatry. 1er déc. 2021;78(12):1343-1354. PMID: 34524405.
  8. McGuinness AJ, et al., « A systematic review of gut microbiota composition in observational studies of major depressive disorder, bipolar disorder and schizophrenia ». Mol Psychiatry. Avr. 2022;27(4):1920-1935. PMID: 35194166.
  9. Solanki R, et al., « Emerging role of gut microbiota dysbiosis in neuroinflammation and neurodegeneration ». Front Neurol. 15 mai 2023;14:1149618. PMID: 37255721.
  10. David LA, et al., « Diet rapidly and reproducibly alters the human gut microbiome ». Nature. 23 janv. 2014;505(7484):559-63. PMID: 24336217.
  11. Aslam H, et al., « Fiber intake and fiber intervention in depression and anxiety: a systematic review and meta-analysis of observational studies and randomized controlled trials ». Nutr Rev. 1er déc. 2024;82(12):1678-1695. PMID: 38007616.
  12. Wastyk HC, et al., « Gut-microbiota-targeted diets modulate human immune status ». Cell. 5 août 2021;184(16):4137-4153.e14. PMID: 34256014; PMCID.
  13. Sempach L, et al., « Examining immune-inflammatory mechanisms of probiotic supplementation in depression: secondary findings from a randomized clinical trial ». Transl Psychiatry. 24 juill. 2024;14(1):305. PMID: 39048549.
  14. Zheng L, et al., « Ultra-Processed Food Is Positively Associated With Depressive Symptoms Among United States Adults ». Front Nutr. 15 déc. 2020;7:600449. PMID: 33385006.
  15. Foster JA, et al., « Stress & the gut-brain axis: Regulation by the microbiome ». Neurobiol Stress. 19 mars 2017;7:124-136. PMID: 29276734.
  16. Campaniello D, et al., « How Diet and Physical Activity Modulate Gut Microbiota: Evidence, and Perspectives ». Nutrients. 14 juin 2022;14(12):2456. PMID: 35745186.
Jérôme Maheux, Ph. D.
Jérôme Maheux, Ph. D.
Directeur scientifique adjoint
Jérôme Maheux, Directeur scientifique adjoint, Biron Groupe Santé