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Parole de spécialiste — 7 minutes

Maladies cardiovasculaires : la ménopause en cause

16 février 2024

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

Les maladies cardiovasculaires augmentent souvent chez les femmes ménopausées. À quoi cela est-il attribuable? Quels signes les femmes devraient-elles surveiller? Et comment peuvent-elles les prévenir?

  • Bouffées de chaleur
  • Changements du cycle menstruel
  • Troubles du sommeil
  • Troubles de l’humeur
  • Sécheresse de la peau, des cheveux et du vagin,
  • Incontinence urinaire, maux de tête, fatigue, prise de poids...

La liste des symptômes dont font état les femmes à la ménopause est longue. Pourtant, il manque à cette liste les conséquences moins visibles de la ménopause, dont l’ostéoporose et, surtout, les maladies cardiovasculaires.

Au Québec, chez les femmes de 65 ans et plus, le taux de décès par maladie cardiovasculaire double par rapport aux femmes de moins de 40 ans, passant de 9,4 à 18 % de tous les décès [1]. Les scientifiques ont rapidement fait le lien avec la ménopause, l’arrêt définitif des règles qui survient généralement entre 45 et 50 ans.

Mais que se passe-t-il donc à la ménopause pour que ce risque augmente autant?

Le rôle déterminant des œstrogènes

Chez la femme, la grande partie des hormones, appelées œstrogènes, est produite par les ovaires, alors que le reste des œstrogènes proviennent des tissus périphériques. La ménopause résulte de l’arrêt de production des œstrogènes par les ovaires « vieillissants » qui répondent de moins en moins à la stimulation par la FSH et la LH, deux hormones de l’hypophyse.

Les œstrogènes ne sont pas seulement importants pour la fonction reproductive et la grossesse. Dès la puberté, ils sont responsables de l’apparition des caractéristiques sexuelles, comme le développement des seins. Ils agissent également sur de nombreux organes et tissus. À la ménopause, les tissus qui étaient sensibles aux œstrogènes subissent une atrophie, responsable, entre autres de la sécheresse vaginale et de l’affaiblissement de la solidité des os (ostéoporose) [2].

Selon plusieurs études, les œstrogènes auraient aussi un effet cardioprotecteur. Ils préviendraient l’inflammation qui contribue au dépôt de plaques de cholestérol sur la paroi des vaisseaux sanguins (athérosclérose) et réduiraient le taux de triglycérides, ce qui favoriserait la production de bon cholestérol (HDL) et par conséquent une diminution du mauvais cholestérol (LDL) [3].

Mais l’équation n’est pas aussi simple. En effet, l’hormonothérapie de substitution, qui vise à compenser la baisse d’œstrogènes, peut dans certains cas augmenter le risque de crise cardiaque et d’AVC [4]. Comment expliquer ces résultats en apparence contradictoires? Certains ont évoqué le vieillissement des cellules, le délai entre la ménopause et le début des traitements, la génétique individuelle ou encore des facteurs de risque antérieurs. Des recherches sont en cours pour apporter des réponses plus précises.

L’hormonothérapie est-elle utile?

L’hormonothérapie de substitution est recommandée pour contrôler les symptômes les plus importants de la ménopause, mais pas pour protéger le cœur [4]. La décision de suivre un tel traitement doit être basée sur ses besoins et risques individuels après discussion avec un médecin.

Des signes distinctifs à surveiller

L’infarctus est l’une des manifestations les plus connues des maladies du cœur. Le plus souvent, il s’annonce par une intense douleur à la poitrine chez la femme. Cependant, un grand nombre de femmes peuvent éprouver des symptômes moins intenses ou atypiques (voir l’encadré). Comme ces signaux ne sont pas toujours reconnus et pris en charge rapidement, cela retarde l’établissement du bon diagnostic [5] et augmente du même coup le risque de séquelles, voire de décès.

Les signaux d’alerte chez la femme

Ces symptômes précurseurs de la crise cardiaque [6] moins typiques retardent parfois l’établissement du bon diagnostic

  • Essoufflement
  • Sensation de serrement ou douleur diffuse dans la poitrine
  • Douleur dans le cou ou la mâchoire
  • Nausée
  • Étourdissements
  • Peau moite
  • Fatigue extrême ou inhabituelle lors d’une marche ou d’un épisode de stress

Un autre problème dans la détection d’une crise cardiaque chez les femmes, c’est que plusieurs ne présentent pas le blocage typique d’une artère qui alimente le cœur. L’infarctus au féminin est souvent causé par des dysfonctions des toutes petites artères du cœur ou encore par des spasmes ou des ruptures de plaques dynamiques qui seront disparus lors des examens [5]. En l’absence de ces signes diagnostiques, les médecins peuvent être davantage portés à attribuer les symptômes à de l’anxiété ou à des problèmes d’estomac.

Comment prévenir les maladies cardiovasculaires à la ménopause ?

Pour de nombreux médecins, la sensibilisation des femmes aux risques de maladies cardiovasculaires est le premier pas pour réduire le nombre de décès. En reconnaissant les signes d’une crise cardiaque, les femmes auront la possibilité d’agir plus rapidement et de consulter avant qu’il ne soit trop tard.

L’adoption de saines habitudes de vie peut quant à elle diminuer le risque de souffrir d’une maladie du cœur ou d’un AVC. On estime que près de 80 % des maladies cardiovasculaires peuvent être évitées grâce à des comportements comme manger sainement, bouger régulièrement et vivre sans fumée. Voici quelques conseils pour y parvenir [7].

  • Cesser de fumer ou de vapoter et éviter la fumée secondaire.
  • Atteindre et conserver un poids santé.
  • Pratiquer une activité physique d’aérobie d’intensité modérée à vigoureuse pendant au moins 150 minutes par semaine, en segments de 10 minutes ou plus.
  • Bouger régulièrement dans le cadre de ses activités quotidiennes.
  • Conserver une pression artérielle saine en modifiant ses habitudes de vie et au besoin par des médicaments.
  • Adopter une alimentation saine, faible en gras, riche en fibres et comprenant des aliments de chacun des quatre groupes d’aliments avec un accent sur les aliments à base de plantes. Éviter les aliments hautement transformés.
  • Prendre les médicaments qui réduisent le risque de maladies du cœur et d’AVC prescrits par votre médecin, comme les médicaments contre l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le diabète.

Pour du soutien professionnel, nous sommes là.

Nous offrons des services qui peuvent aider votre médecin à diagnostiquer les problèmes cardiaques et les troubles de santé qui y sont associés et à déterminer le traitement approprié. 

Sources7
  1. Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). « Répartition des cinq principales causes de décès selon le groupe d’âge, femmes, 2016 », Principales causes de décès. https://www.inspq.qc.ca/santescope/syntheses/principales-causes-de-deces [consulté le 8 février 2024]
  2. Qu’est-ce que les œstrogènes et à quoi servent-ils ?, 10 novembre 2004. https://www.chu-toulouse.fr/qu-est-ce-que-les-oestrogenes-et-a
  3. Vivien Williams. « Mayo Clinic Minute: Women, estrogen and heart disease », Mayo Clinic, 17 février 2020. https://newsnetwork.mayoclinic.org/discussion/mayo-clinic-minute-women-estrogen-and-heart-disease/
  4. B.L. Abramson, D.R. Black, M.K. Cristakis et coll. « Directive clinique no 422e : Ménopause et maladies cardiovasculaires », JOGC, vol. 43, no 12, p. 1444-1449.E1, décembre 2021. https://www.jogc.com/article/S1701-2163(21)00764-7/fulltext
  5. Kathy Katella. « How is heart disease different in women? », Yale Medicine, 10 février 2023. https://www.yalemedicine.org/news/heart-disease-women
  6. Fédération des médecins spécialistes du Québec. Santé cardiovasculaire au féminin. https://fmsq.org/fr/dossiers-sante/sante-cardiovasculaire-au-feminin [consulté le 8 février 2024]
  7. Cœur et AVC Canada. Facteurs de risque propres aux femmes. https://www.coeuretavc.ca/maladies-du-coeur/risque-et-prevention/facteurs-de-risque-propres-aux-femmes [consulté le 8 février 2024]
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique
Pendant une cinquantaine d’années, Raymond Lepage a agi comme biochimiste clinique responsable de laboratoires tant publics que privés. Professeur agrégé de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et professeur associé à l’Université de Sherbrooke, il a également été consultant, chercheur, expert juriste et conférencier. Auteur ou coauteur de plus de 100 publications parues dans des congrès et des revues scientifiques, il consacre désormais une partie de sa semi-retraite à la vulgarisation scientifique.