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Parole de spécialiste — 8 minutes

Les écrans solaires : dangereux pour la santé et l’environnement?

4 juin 2024

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

Avec nos étés très chauds, l’essor des activités de plein air comme le vélo, ou encore la popularité toujours grandissante de vacances dans le Sud, les Québécois sont de plus en plus soumis à des expositions prolongées au soleil, et ce, à tout mois de l’année.

Les vacances et autres temps libres nous permettent de profiter pleinement de la plage, de la piscine, des terrasses et d’une foule d’activités extérieures. Une période agréable donc, même si l’on sait que de longues périodes au soleil peuvent accroître le risque de cancer de la peau. Le port de vêtements de protection et l’utilisation d’écrans solaires sont donc de rigueur. Cela dit, sommes-nous suffisamment informés des dangers que peuvent poser ces derniers, non seulement pour notre santé, mais aussi pour l’environnement? Les utilisons-nous adéquatement?

ecran solaire nez

Des ingrédients non sans risque pour la santé

Que sont l’avobenzone, l’oxybenzone, l’octocrylène, l’ecamsule? Non, il ne s’agit pas de nouveaux polluants atmosphériques, mais bien de composants actifs de plusieurs écrans solaires. Plusieurs études montrent que ces produits chimiques appliqués généreusement sur la peau se retrouvent rapidement dans le sang. Ils pourraient donc s’accumuler dans l’organisme et s’avérer toxiques, agir comme perturbateurs endocriniens, et même causer certains cancers [1].

Il existe deux types d’écrans solaires : les agents qui bloquent les rayons UV et ceux qui l’absorbent. Les agents dits bloquants, comme l’oxyde de zinc et le dioxyde de titane de première génération, sont surtout reconnaissables par la couleur blanche typique du bout du nez des gardiens de plage et autres surveillants de baignade! Malgré quelques désagréments esthétiques, les agents bloquants sont considérés à la fois efficaces et inoffensifs pour la santé et l’environnement.

Des ingrédients non sans risque pour l’environnement

Les agents qui absorbent les rayons UV, comme l’oxybenzone, sont modifiés chimiquement en réaction avec la lumière. Ce sont les sous-produits de ces réactions chimiques (des radicaux libres) qui pourraient être dommageables pour la santé et l’environnement.

La question a été soulevée à propos de la protection des récifs coralliens, déjà fragilisés par l’augmentation de la température des océans. Et les coraux sont justement abondants dans les eaux chaudes (> 20 °C), là où il fait justement bon se baigner! Plusieurs études ont montré des effets toxiques nets de l’oxybenzone, mais uniquement à des doses élevées et dans des conditions artificielles de laboratoire [2]. La démonstration est beaucoup plus difficile à faire en milieu naturel, compte tenu du taux de dilution élevé dans l’eau de mer, de l’effet des courants et des vagues, de la non-solubilité de plusieurs produits, etc. S’il ne fait pas de doute que certains composants des écrans solaires sont toxiques, encore faut-il qu’ils soient présents en concentrations suffisantes dans les fonds marins, là où vivent les coraux.

Malgré cela, l’état d’Hawaï a pris la décision d’interdire une foule d’écrans solaires contenant de l’oxybenzone et autres produits suspects sur son territoire [3]. D’autres pays et villes comme Key West en Floride ont emboîté le pas.

Les fabricants se sont empressés de commercialiser des produits exempts de l’un ou l’autre des composants ciblés par les études préliminaires, sans toutefois exclure toute la liste des « suspects ». Selon le scientifique en chef du Québec, tout ça manque sérieusement d’études probantes, dans un sens comme dans l’autre : Beaucoup de facteurs sont impliqués dans la dégradation des récifs de corail, à commencer par le réchauffement climatique, mais les crèmes solaires ne sont pas en haut de la liste [4].

De la bonne utilisation des écrans solaires

S’il ne fait pas de doute que les avantages des écrans solaires dépassent largement leurs effets négatifs, encore faut-il s’en servir adéquatement! Et il semble que ce soit loin d’être toujours le cas.

Selon le Dr Dawn Davis, dermatologue à la réputée clinique Mayo, deux cuillerées à table (30 mL) de crème solaire suffisent à peine à protéger le visage, le cou et le dos des mains, sans compter le reste du corps qu’il faut aussi protéger lorsqu’on est en maillot de bain! Il faut également réappliquer le produit toutes les deux heures, voire plus souvent lorsqu’on va à l’eau [5], et ce, quel que soit le coût du petit tube acheté en pharmacie.

Quel facteur de protection solaire (FPS) faut-il privilégier? Selon la Société canadienne de dermatologie, il faut utiliser un FPS d’au moins 30 [6]. En revanche, au-delà d’un FPS de 50, le gain en protection ne serait pas nécessairement très important [5].

Il ne faut pas non plus oublier que les rayons UV traversent les nuages et sont réfléchis par l’eau, la neige et d’autres surfaces. Les amateurs de plein air doivent donc penser à se protéger du soleil non seulement pendant la belle saison, mais aussi en hiver, par temps ensoleillé ou nuageux!

Les écrans solaires « naturels »

La réponse classique de l’industrie lorsqu’il est question du potentiel danger des produits « traditionnels » pour l’environnement invite à se tourner vers les écrans solaires dits « naturels ». Ces produits sont généralement à base d’oxyde de cuivre ou du dioxyde de titane, deux agents reconnus à la fois pour leur effet bloquant sur les rayons UV et leur innocuité pour la santé. Les autres composants varient selon le fabricant et incluent différents types d’huiles et de corps gras, dont l’huile de coco. Plusieurs fabricants complètent leur promotion environnementale en utilisant des emballages biodégradables ou des approches véganes.

Qui dit produits naturels dit souvent produits artisanaux, que l’on peut fabriquer soi-même à partir d’ingrédients relativement faciles à trouver et des nombreuses recettes qui circulent sur Internet [7].

Rappelons que beaucoup de ces produits sont composés d’agents qui bloquent les rayons UV, comme le dioxyde de titane et l’oxyde de zinc, que l’on peut notamment se procurer sur les plateformes d’Amazon et d’autres fournisseurs en ligne. Attention aux produits maison! Il est plus difficile d’obtenir des préparations qui sont hydrofuges et qui vont donc bien demeurer sur la peau. Il ne faut jamais oublier qu’au-delà des considérations écologiques ou économiques, le rôle premier d’un écran solaire est de vous protéger adéquatement contre les rayons UV.

Les protections

Finalement, il faut se rappeler que dans bien des conditions, même à la plage, des vêtements peuvent représenter la meilleure protection possible. Chapeaux, casquettes, chemises et pantalons anti-UV, parasol et tente de plage, les options sont nombreuses, efficaces et ne nécessitent pas, elles, d’être renouvelées toutes les deux heures.

Lorsqu’on pense à son rôle essentiel pour produire la vitamine D et faire pousser fruits et légumes, de même qu’à son effet si important sur le moral, le soleil est un allié précieux, mais dont il faut malheureusement se méfier. Il faut savoir que 1 Nord-Américain sur 5 sera touché par un cancer de la peau au cours de sa vie, la très grande majorité des cas étant causée par l’exposition au rayons UV du soleil [8]. Que l’on choisisse un écran solaire de type bloquant ou absorbant, un produit entièrement naturel ou plus « commercial », ou que l’on favorise plutôt les endroits ombragés, les vêtements de protection et les parasols, il existe de nombreuses façons de se protéger du soleil, en tout temps. Enfin, assurez-vous de consulter l’indice UV du jour et surtout, n’oubliez pas vos lunettes de soleil!

Sources8
  1. M Sander, M Sander, T Burbidge, et J Beecker, “The efficacy and safety of sunscreen use for the prevention of skin cancer”. CMAJ. 2020 Dec 14; 192(50): E1802–E1808. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7759112/
  2. Collectif. Crème solaire et coraux ne font pas bon ménage. Québec science, 18 août 2022 https://www.quebecscience.qc.ca/14-17-ans/encyclo/creme-solaire-et-coraux-ne-font-pas-bon-menage/
  3. Mathieu Perreault. Les risques de la crème solaire pour les coraux. LaPresse Plus, 2 juin 2024. https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2024-06-02/demystifier-la-science/les-risques-de-la-creme-solaire-pour-les-coraux.php?
  4. Scientifique en chef du Québec. La crème solaire endommage les coraux? Incertain. 18 juillet 2023 https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impact-recherche/la-creme-solaire-endommage-les-coraux-incertain/
  5. L Torborg. Mayo clinic Q & A : Sunscreen Best Practices. Mayo Clinic, 21 juin. https :://newsnetwork.mayoclinic.org/discussion/mayo-clinic-q-and-a-apply-sunscreen-generously-and-frequently-for-full-protection/
  6. Collectif. Écrans solaires. Association canadienne de dermatologie. https://dermatologue.ca/produits-homologues/ecrans-solaires/ Consulté le 3 juin 2024.
  7. Collectif. “Is it Possible to Make a Safe and Effective Sunscreen from Scratch?” Healthline, 10 juillet 2019. https://www.healthline.com/health/homemade-sunscreen#diy-recipes.
  8. Collectif. « Skin Cancer ». American Academy of Dermatology. https://www.aad.org/media/stats-skin-cancer . Consulté le 3 juin 2024.