Skip to contentSkip to navigation

Petit Guide Biron — 11 minutes

Pourquoi les repas des Fêtes causent des brûlures d’estomac (et comment l’éviter)

9 décembre 2025

Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste

Entre les soupers copieux, les célébrations qui se succèdent, les bouchées riches en gras et le digestif en fin de soirée, la période des Fêtes est souvent synonyme… de brûlures d’estomac. Pourquoi ces moments joyeux déclenchent-ils tant d’inconforts? Et surtout, comment les prévenir sans renoncer au plaisir de manger? Voici ce qui se passe réellement dans nos estomacs et quelques stratégies alimentaires pour éviter que les brûlures gâchent nos festivités.

repas-dinde

Quand les fêtes se font sentir jusque dans l’œsophage

Chaque année, dès que décembre se pointe le nez, la même scène se répète. Un repas de Noël au calendrier, puis, quelques heures plus tard, cette sensation familière de brûlure qui remonte derrière le sternum. On parle alors de reflux gastro-œsophagien (RGO) ou pour couramment de brûlures d’estomac, un malaise aussi fréquent que déplaisant [1,2]. Bien qu’une minorité de personnes en souffrent à l’année en raison d’une condition médicale, ce phénomène touche environ 30 % à 40 % des adultes de façon occasionnelle [3]. Pourquoi nos moments festifs donnent-ils autant de fil à retordre à notre système digestif? La réponse se trouve souvent dans notre assiette… mais aussi dans nos habitudes autour du repas.

Pourquoi le temps des Fêtes décuple-t-il les brûlures d’estomac?

Une étude européenne s’est justement attardée à comprendre pourquoi le temps des Fêtes décuple les brûlures d’estomac [4]. Les chercheurs ont observé que c’est surtout la richesse et le volume des repas qui déclenchent le plus de symptômes. Ils ont aussi constaté que ce ne sont pas vraiment des aliments précis qui causent des brûlures, mais plutôt une combinaison de facteurs alimentaires.

Par exemple, les menus les plus riches en calories étaient ceux qui provoquaient le plus de reflux, un effet surtout lié à la quantité de nourriture consommée. Les repas plus gras, quant à eux, accentuent l’impression de se sentir « trop plein » et de prendre une éternité à digérer.

À l’inverse, les repas plus légers, composés de viande maigre, de grains entiers et de légumes, étaient ceux qui entraînaient le moins d’inconfort. Et, fait intéressant, aucun ingrédient précis (ni fromage, ni chocolat, ni épices) n’a été identifié comme déclencheur systématique.

Comment surviennent les brûlures d’estomac? 

Quand on mange, les aliments descendent dans l’œsophage pour atteindre l’estomac. Entre les deux se trouve une petite « porte » musculaire qu’on appelle le sphincter gastro-œsophagien [1]. Son rôle est simple: il s’ouvre pour laisser passer la nourriture, puis se referme pour empêcher le contenu acide de l’estomac de remonter.

Quand tout va bien, cette porte joue parfaitement son rôle et on n’a ni reflux ni brûlures d’estomac. Mais ce qu’on appelle « brûlure d’estomac » n’est pas tout à fait une brûlure au niveau de l’estomac. C’est plutôt le contenu acide de l’estomac qui remonte dans l’œsophage, une région beaucoup plus sensible et non conçue pour tolérer cette acidité. Pendant les Fêtes, plusieurs facteurs peuvent déséquilibrer ce système normalement bien rôdé et laisser échapper un peu d’acide là où il ne devrait pas aller.

Joignez-vous à la communauté Biron

Recevez du contenu éducatif, des conseils et des offres en santé et en bien-être.

La mécanique cachée derrière les brûlures d’estomac

  1. Quand l’estomac se remplit trop rapidement, les repas copieux ou le grignotage tout au long de la soirée distendent ses parois comme un ballon trop gonflé. Cette distension augmente la pression interne et peut pousser la fameuse petite porte (le sphincter gastro-œsophagien), l’amenant à s’ouvrir au mauvais moment.
  2. Quand la digestion ralentit à cause d’un repas plus gras, la vidange gastrique se fait moins rapidement. L’estomac reste alors plein plus longtemps, ce qui prolonge la pression interne et crée des conditions favorables au reflux.
  3. Quand la pression abdominale augmente, que ce soit à cause de vêtements serrés, parce qu’on se penche rapidement ou qu’on se couche trop tôt après un repas copieux, une pression externe s’exerce sur l’estomac. Cette compression pousse mécaniquement son contenu vers le haut et accroît le risque de reflux, même si le sphincter fonctionne normalement.
  4. Le tonus du sphincter gastro-œsophagien peut réellement diminuer sous l’effet de l’alcool, ce qui rend la barrière moins étanche. Les boissons gazeuses, les repas très copieux et une posture affaissée, eux, n’agissent pas directement sur le tonus, mais augmentent la pression dans l’estomac ou favorisent des relâchements transitoires du sphincter. Il suffit alors d’un moment de relâchement pour que de petites quantités d’acide remontent dans l’œsophage.

Les remèdes qui ne fonctionnent pas (et qui sont à éviter)

On entend souvent parler de certains remèdes maison contre les brûlures d’estomac, comme boire un grand verre de lait chaud, prendre une cuillère de bicarbonate de soude dissous dans l’eau, boire une infusion de camomille, mâcher une petite pincée de graines de fenouil après le repas, ou encore boire du vinaigre de cidre dilué dans de l’eau [5]. Pourtant, aucune de ces solutions n’a démontré d’efficacité dans des études rigoureuses. Le lait peut même aggraver les symptômes, et le bicarbonate produit du gaz qui cause des ballonnements, parfois assez pour augmenter le reflux. Les tisanes, elles, peuvent aider la digestion, mais n’empêchent pas l’acide de remonter. En bref, ces remèdes rassurent plus qu’ils ne soulagent réellement le sphincter.

Ce n’est pas un aliment en particulier qui cause des brûlures d’estomac. C’est le combo festif! Voici les situations typiques du temps des Fêtes qui, mises ensemble, créent un terrain propice aux brûlures d’estomac [4].

  • Les plats riches en gras: Tourtière, fromages, fondue, pâtés, bûche, trempettes crémeuses, charcuteries… Ces aliments sont délicieux, mais prennent plus de temps à être digérés à cause de leur teneur en matières grasses. Ils laissent l’estomac plus longtemps rempli, ce qui augmente la pression et la sensation de « trop plein ».
  • Les portions (un peu trop) généreuses: Les assiettes plus copieuses qu’à l’habitude, le deuxième service « pour faire plaisir à notre tante », les buffets… Dès que l’estomac se distend, il pousse sur la « petite porte » qui est notre sphincter.
  • Le grignotage en continu: Canapés, bouchées, chocolats, petites douceurs. Quand on mange tout au long de la soirée, l’estomac n’a jamais le temps de se vider entre deux bouchées. Il reste constamment en mode « trop plein », ce qui augmente la pression interne et favorise les remontées acides.
  • Les repas tard en soirée: Les soupers après 20h, les desserts servis à minuit, les collations du Réveillon… et si en plus on va se coucher moins de 2–3 heures après avoir mangé, on augmente fortement les chances que l’estomac nous brûle.
  • L’alcool et les boissons pétillantes:  Vin, bière, cocktails, champagne, l’alcool peut relâcher le sphincter, et les bulles ajoutent du gaz dans l’estomac. Deux ingrédients parfaits pour un reflux tardif.
  • Boire beaucoup en mangeant: Eau, vin, soupe, cocktails, un gros volume de liquide pendant un repas copieux ajoute encore plus de pression dans l’estomac.
  • La position affaissée sur le divan après souper: Le dos rond, le ventre comprimé… Cette posture exerce une pression abdominale qui pousse mécaniquement l’acide vers le haut.

Sensibilités individuelles, pas des coupables universels

On accuse souvent certains aliments (tomates, agrumes, chocolat, menthe, café ou aliments piquants) de provoquer des brûlures d’estomac [3]. Pourtant, les études montrent qu’ils ne déclenchent pas automatiquement du reflux. Leur effet varie énormément d’une personne à l’autre, et aucun n’a été identifié comme responsable systématique. En réalité, c’est surtout le contexte dans lequel on les mange (repas riche, copieux, tardif ou accompagné d’alcool) qui augmente le risque. Autrement dit, ce n’est pas la bouchée épicée ou la part de bûche qui cause le problème, mais bien l’ensemble du repas et des habitudes qui l’entourent.

Des habitudes simples à adopter pour prévenir les brûlures d’estomac

Pendant les Fêtes, l’une des stratégies les plus efficaces reste de manger en laissant la faim nous guider. Prendre quelques secondes pour vérifier si on a encore réellement faim (ou si on se ressert simplement parce qu’un plat est savoureux, chargé de souvenirs, ou parce que notre hôte insiste gentiment) aide à éviter les portions trop généreuses qui surchargent l’estomac. Déguster chaque bouchée et savourer lentement permet aussi de donner à la digestion le temps de suivre.

Faire cohabiter les plats plus riches avec des aliments plus légers facilite le travail du système digestif. Boire à petites gorgées, surtout des boissons non pétillantes, limite la pression dans l’estomac, tandis que l’alcool est souvent mieux toléré lorsqu’il est consommé doucement, idéalement entre les repas plutôt qu’en même temps qu’un souper très copieux.

Après avoir mangé, rester assis avec une bonne posture, éviter de se pencher ou de comprimer le ventre et attendre un peu avant de s’allonger ou d’aller se coucher diminuent nettement le risque de reflux nocturnes. Avec quelques habitudes simples, on peut profiter pleinement des festivités… sans les brûlures qui viennent parfois gâcher la fin de soirée.

Et les médicaments en vente libre ?

Pour soulager les brûlures occasionnelles, certains médicaments en vente libre peuvent aider, comme les antiacides qui neutralisent temporairement l’acidité ou les bloqueurs H2 qui en réduisent la production. Cela dit, tous ne conviennent pas à tout le monde. Certains peuvent interagir avec d’autres traitements, aggraver un problème sous-jacent ou masquer des symptômes importants. C’est pourquoi il vaut mieux en discuter avec notre pharmacien puisqu’il pourra vérifier notre dossier, nos autres médicaments et notre état de santé afin de recommander l’option la plus sécuritaire et adaptée à notre situation.

Quand faudrait-il consulter ?

Les brûlures d’estomac liées aux festivités sont généralement sans gravité et se résorbent en quelques heures. Mais certains signes doivent alerter. Si les brûlures deviennent très fréquentes, perturbent le sommeil ou s’accompagnent de difficultés à avaler, de vomissements persistants, d’une perte de poids involontaire ou de sang dans les selles, il est important de consulter. Bien qu’elles puissent parfois ressembler à des brûlures d’estomac, une douleur thoracique inhabituelle, intense ou qui irradie vers le cou, le bras ou la mâchoire nécessite une évaluation médicale immédiate, car elle peut être le signe d’une condition plus sérieuse. En cas de doute, mieux vaut demander l’avis d’un professionnel de la santé.

Sources5
  1. Rolfes SR, Pinna K, Whitney E. Understanding normal and clinical nutrition. 12th ed. Boston: Cengage Learning; 2022.
  2. Armstrong D, Marshall JK, Chiba N, et al. Canadian Consensus Conference on the management of gastroesophageal reflux disease in adults - update 2004. Can J Gastroenterol. 2005;19(1):15-35. doi:10.1155/2005/836030
  3. Ness-Jensen E, Hveem K, El-Serag H, Lagergren J. Lifestyle Intervention in Gastroesophageal Reflux Disease. Clin Gastroenterol Hepatol. 2016;14(2):175-82.e823. doi:10.1016/j.cgh.2015.04.176
  4. Parker HL, Curcic J, Heinrich H, et al. What to eat and drink in the festive season: a pan-European, observational, cross-sectional study. Eur J Gastroenterol Hepatol. 2017;29(5):608-614. doi:10.1097/MEG.0000000000000829
  5. Zhang M, Hou ZK, Huang ZB, Chen XL, Liu FB. Dietary and Lifestyle Factors Related to Gastroesophageal Reflux Disease: A Systematic Review. Ther Clin Risk Manag. 2021;17:305-323. Published 2021 Apr 15. doi:10.2147/TCRM.S296680
Annie Ferland
Annie Ferland
Ph. D., DtP-nutritionniste
Annie Ferland est diététiste-nutritionniste, docteure en pharmacie et fondatrice de ScienceFourchette.com, une plateforme en ligne indépendante qui explore la nutrition avec une approche scientifique, accessible et bienveillante. Elle détient également une maîtrise en kinésiologie et un certificat en promotion de l’activité physique de l’Université de la Caroline du Sud. Elle a également complété cinq années d’études postdoctorales, dont deux en épidémiologie nutritionnelle et trois en nutrition clinique à l’Université du Colorado à Denver. Membre de l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, elle s’investit activement dans l’avancement des connaissances en nutrition et prône une approche scientifique, accessible et axée sur le plaisir de manger.