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Quand notre intestin devient trop perméable : un signe de problèmes digestifs?

7 octobre 2025

Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

Les troubles digestifs comptent parmi les motifs les plus fréquents de consultation chez un médecin généraliste [1]. La découverte du microbiote, un écosystème composé de milliards de bactéries, de virus et d’autres microorganismes a démontré que notre intestin ne se limite pas à digérer les aliments. Il communique en continu avec notre cerveau, influençant ainsi notre humeur [2].

Nous savons aujourd’hui que l’intestin joue un rôle clé dans notre énergie et notre système immunitaire. En d’autres mots, il ne s’agit pas seulement d’un tube qui digère, mais d’un véritable chef d’orchestre qui participe à l’équilibre global du corps. Et tout ce processus commence par sa mission première : digérer les aliments et absorber les nutriments qui nourrissent chacune de nos cellules.

Digestion et rôle des jonctions serrées

À l’exception de l’oxygène que nous respirons, tout ce dont notre corps a besoin pour survivre et fonctionner provient de ce que nous consommons chaque jour. L’eau, les glucides et les acides gras fournissent l’énergie nécessaire; les acides aminés servent à fabriquer plus de 10 000 protéines différentes. Une multitude d’autres nutriments, dont les lipides, les vitamines et les minéraux participent à la construction et au bon fonctionnement de centaines de composés essentiels.

À cela s’ajoute aussi des éléments moins « nutritifs », tels que l’alcool, les nombreux médicaments oraux, mais aussi des microorganismes et diverses substances toxiques. Or, avant de rejoindre notre circulation sanguine et d‘atteindre les tissus où ils seront utilisés, tous ces composants doivent franchir une barrière hautement sélective : la paroi intestinale.

Pour franchir cette barrière, notre organisme a mis en place un système sophistiqué. La paroi de l’intestin est formée d’une seule couche de cellules, fortement repliée repliée (microvillosités) pour augmenter la surface disponible pour absorber les nutriments. Rien ne passe librement, ni dans un sens ni dans l’autre. Les nutriments doivent être préalablement « digérés » pour y entrer, alors que les microorganismes sont arrêtés par une couche de mucus protecteur et par la vigilance du système immunitaire.

Cependant, la paroi intestinale n’est pas complètement hermétique. Entre les cellules de la paroi intestinale se trouvent de minuscules passages appelés jonctions serrées (tight junctions). Ces structures contrôlent le passage de l’eau, des ions et de petites molécules, dans les deux sens [3]. Si ces jonctions deviennent trop perméables, elles peuvent laisser s’infiltrer des molécules plus grosses ou des microorganismes qui n’y passeraient pas habituellement et resteraient dans l’intestin. Une fois dans notre sang, ces molécules ou microorganismes peuvent déclencher des réactions inflammatoires qui perturbent notre organisme.

Le syndrome du « leaky gut », aussi appelé le syndrome de l’intestin poreux

Notre intestin présente toujours un certain degré de perméabilité : c’est un mécanisme normal, en partie défini par nos gènes. Toutefois, dans certaines conditions aiguës ou chroniques bien connues, cette perméabilité devient exagérée. C’est ce que l’on observe, entre autres, dans la maladie de Crohn ou la colite ulcéreuse, deux maladies inflammatoires de l’intestin.

Plus récemment, on voit une nouvelle idée poindre : et si une perméabilité trop importante de l’intestin pouvait, à elle seule, contribuer au développement de plusieurs autres maladies chroniques? Cette hypothèse est devenue très populaire, en particulier sur les médias sociaux, où l’expression du syndrome du « leaky gut » fait l’objet de nombreuses publications. On retrouve aussi les termes syndrome de l’intestin poreux ou intestin hyper-perméable.

Le syndrome du « leaky gut » serait associé à de nombreuses conditions médicales [4]. Parmi celles-ci, on retrouve notamment :

  • Le syndrome de l’intestin irritable
  • Les maladies inflammatoires de l’intestin telles que la maladie de Crohn et la colite ulcéreuse
  • Le SIBO (Small Intestinal Bacterial Overgrowth), c’est-à-dire une trop grande concentration de bactéries dans l’intestin grêle
  • Les maladies cardiovasculaires
  • L’obésité
  • La maladie cœliaque, forme sévère d’intolérance au gluten
  • La stéatose hépatique du foie gras non alcoolique, pouvant évoluer vers la cirrhose du foie
  • L’arthrite rhumatoïde
  • Le diabète
  • La fatigue chronique
  • L’asthme
  • La fibromyalgie
  • L’autisme

Symptômes : quand notre intestin nous envoie des signaux

Chez certaines personnes qui pourraient présenter ce syndrome, les symptômes rapportés incluent [6] :

  • Des troubles intestinaux : diarrhée, constipation chronique, gaz ou ballonnements
  • Un affaiblissement du système immunitaire
  • Des maux de tête, des pertes de mémoire ou des troubles de la concentration
  • De la fatigue chronique
  • Des problèmes de peau comme l’acné ou l’eczéma
  • Des envies de sucre irrépressibles
  • Des troubles psychiques tels que la dépression, l’anxiété et le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH)

Le syndrome du « leaky gut » face à la science

Les symptômes énumérés ci-dessus n’apparaissent pas dans les manuels de médecine. Le syndrome du « leaky gut » n’est donc pas – pour l’instant – reconnu comme une condition médicale officielle.

En revanche, l’hyperperméabilité intestinale elle-même est reconnue par la science et est associée à plusieurs conditions médicales. Ce que nous ne savons pas encore, c’est si cette perméabilité accrue cause réellement la maladie ou si elle en est plutôt une conséquence.

Il est aussi très difficile de diagnostiquer avec précision ce phénomène. Le seul outil relativement accessible pour mesurer partiellement la perméabilité intestinale est le test du lactulose-mannitol, un test ne jouissant pas d’une bonne réputation [6,7]. Malgré certaines limites [8] le dosage sanguin de la zonuline, une protéine augmentant la perméabilité des jonctions serrées, a également été proposé comme méthode d'évaluation.

Qu'en est-il du traitement et de la prévention?

Le fait que le syndrome du « leaky gut » ne soit pas officiellement reconnu limite l’intérêt de l’industrie pharmaceutique à développer un médicament qui restaurerait la perméabilité de l’intestin. Cependant, cette limitation ne devrait pas empêcher de contrôler le facteur possiblement principal de son apparition : une mauvaise nutrition!

Sans grande surprise, les recommandations pour soutenir une bonne perméabilité intestinale sont très similaires à celles visant à maintenir un microbiome sain ou soulager le syndrome du côlon irritable [9].

Voici quelques habitudes simples à adopter [4] :

  1. Manger des graisses de qualité : privilégier du poisson gras comme le saumon, et éviter les viandes rouges ou transformées.
  2. Favoriser les fibres et les aliments prébiotiques comme la betterave et l’ail.
  3. Diminuer les sucres ajoutés.
  4. Limiter la consommation d’alcool.
  5. Utiliser certains suppléments : les probiotiques et les prébiotiques peuvent soutenir la santé du microbiote, tandis que la L-glutamine, réputée pour réparer les jonctions serrées.
  6. Privilégier une diète faible en FODMAPS ou sucres fermentables fortement associés aux symptômes du syndrome du côlon irritable.

Prendre soin de notre intestin : plus qu’une question de syndrome

Même si le syndrome du « leaky gut » n’est pas reconnu par la médecine, il existe bien des preuves que l’hyperperméabilité intestinale peut être associée à de nombreux désordres physiologiques. Aujourd’hui, ce concept permet à des individus souffrant de troubles difficiles à diagnostiquer de mettre une définition, même incorrecte sur les maux qui les affligent.

Notre intestin est bien plus qu’un organe digestif : il influence notre énergie, notre immunité et notre confort. En prenant soin de notre ventre par une alimentation équilibrée et de l’exercice physique, nous investissons dans notre santé globale et notre bien-être quotidien. Syndrome du « leaky gut » ou pas, notre intestin mérite toute notre attention.

Sources9
  1. Malik Z. « Syndrome de l’intestin irritable (SII) ». Le Manuel Merk, 2012. https://www.merckmanuals.com/fr-ca/accueil/troubles-digestifs/syndrome-de-l-intestin-irritable-sii/syndrome-de-l-intestin-irritable-sii
  2. Cohen, A. « Le lien entre l’intestin, l’humeur et le comportement ». Fondation Canadienne de la Santé Digestive, 2023. https://cdhf.ca/fr/le-lien-entre-lintestin-lhumeur-et-le-comportement/
  3. Lacy BE, Wise JL et Cangemi DJ. « Leaky Gut Syndrome: Myths and Management ». Gastroenterology & Hepatology 20, n°5 (2024) : 264-272. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/39193076/.
  4. Cleveland Clinic. « Leaky Gut Syndrome ». 4 juin, 2022. https://my.clevelandclinic.org/health/diseases/22724-leaky-gut-syndrome
  5. DIJO. « La porosité intestinale, c’est quoi et comment la prévenir? » (blogue). 22 février, 2022.https://www.dijo.fr/blogs/journal/la-porosite-intestinale-c-est-quoi
  6. Gan J, Nazarian S, Teare J, Darzi A, Ashrafian H et Thompson AJ. « A case for improved assessment of gut permeability: a meta-analysis quantifying the lactulose:mannitol ratio in coeliac and Crohn’s disease ». BMC Gastroenterology 10, n°22 (2022) : 22-16. https://doi.org/10.1186/s12876-021-02082-z.
  7. Jarry K. « Vous n’avez probablement pas de fuites intestinales ». L'actualité, 2024. https://lactualite.com/sante-et-science/vous-navez-probablement-pas-de-fuites-intestinales/
  8. Ajamian M, Steer D, Rosella G et Gibson PR. « Serum zonulin as a marker of intestinal mucosal barrier function: May not be what it seems ». PLOS One 14, n°1 (2019). https://doi.org/10.1371/journal.pone.0210728
  9. Martin, A. « Perméabilité ou " leaky gut " », ce qu’il importe de savoir! » (blogue). Mai 2024. https://andreannemartin.com/blogue/permeabilite-ou-leaky-gut-ce-quil-importe-de-savoir/#:~:text=Perm%C3%A9abilit%C3%A9%20intestinale%20et%20inflammation,inflammation%20(11)(15).