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Parole de spécialiste — 9 minutes

De nouveaux traitements prometteurs pour la maladie d’Alzheimer?

19 janvier 2024

Dr Pierre-Olivier Hétu, Ph. D., CSPQ, FCACB
Dr Pierre-Olivier Hétu, Ph. D., CSPQ, FCACB
Biochimiste clinique

Le 29 novembre 2022, une étude publiée en ligne dans le réputé New England Journal of Medicine rapportait qu’un anticorps monoclonal aiderait à combattre la maladie d’Alzheimer [1]. Le nouveau traitement serait le premier à entraîner un ralentissement significatif du déclin cognitif et fonctionnel associé à cette terrible maladie [2]. Que pouvons-nous en conclure?

Aperçu de la maladie

La maladie d’Alzheimer est une atteinte dégénérative du cerveau qui se caractérise par l’accumulation de « plaques » et d’« enchevêtrements » dans les fibres nerveuses du cerveau. Alors que les plaques sont composées d’une protéine appelée « bêta-amyloïde », les enchevêtrements sont associés à une autre molécule anormale, la protéine tau. Ces plaques et enchevêtrements sont responsables de la mort des cellules nerveuses et de l’apparition des symptômes typiques de la maladie comme la perte de mémoire et la démence. 

Causes

La maladie d’Alzheimer a une très forte composante génétique: plus de 50% des individus atteints de la maladie sont porteurs d’un ou deux gènes anormaux pour l’apoE4, une protéine associée au métabolisme du cholestérol. Les individus normaux possèdent une paire de gènes pour l’apoE2 ou l’apoE3, deux versions sans risque. La présence d’un seul gène pour l’apoE4 augmente de 3 à 5 fois le risque de développer la maladie alors que la présence de 2 copies du gène augmenterait ce risque de 8 à 12 fois [3]!

Selon la Société Alzheimer du Canada, la maladie touchait plus d’un demi-million de Canadiens et Canadiennes en 2019 (plus de 50 millions de personnes dans le monde), et ce nombre devrait doubler d’ici 15 ans. Le fardeau financier de l’Alzheimer atteint actuellement 10 milliards de dollars par année au Canada seulement. 

Diagnostic 

Actuellement, il est possible de détecter la maladie d’Alzheimer à partir de tests visant d’abord à évaluer la perte de mémoire, la diminution d’habiletés fonctionnelles et les changements de comportement. D’autres examens, comme l’imagerie médicale et les tests biologiques, peuvent permettre de confirmer la présence de protéines bêta-amyloïde et tau. Toutefois, le diagnostic formel de la maladie ne peut être établi que par une autopsie, lors d’un examen des tissus du cerveau.

Imagerie médicale 

Des examens du cerveau au moyen de l’imagerie par résonance magnétique (IRM), par tomodensitométrie assistée par ordinateur (CT-Scan) et surtout par tomographie par émission de positrons (TEP) peuvent guider le diagnostic en montrant l’accumulation des plaques amyloïdes dans le cerveau. Ces techniques permettent également de distinguer la maladie d’Alzheimer d’autres atteintes cérébrales, dont des lésions dues à l’âge ou causées par des accidents vasculaires cérébraux, des tumeurs cérébrales, etc. 

Tests biologiques

La recherche de fragments des protéines bêta-amyloïde et tau dans le liquide céphalorachidien permet de compléter les observations de plaques faites par imagerie du cerveau [4]. Le prélèvement du liquide céphalorachidien est cependant beaucoup plus complexe que celui d’un échantillon sanguin, ce qui limite grandement son utilisation à répétition ou encore son application à de grands groupes de patients.    

Diagnostiquer la maladie d’Alzheimer par une prise de sang?

Si plusieurs tests sanguins permettent actuellement d’éliminer différentes maladies pouvant causer des symptômes similaires à ceux de la maladie d’Alzheimer (hypothyroïdie, déficience grave en vitamine B12, etc.), un nouveau test (PrecivityAD) proposé en août 2019 pourrait éventuellement simplifier le diagnostic [5]. Il est basé sur la proportion de fragments de protéine bêta-amyloïde dans le sang, l’âge du patient et la présence ou non de copies du gène apo E4. Sa particularité est sa relative simplicité (test sanguin) combinée à une grande exactitude (94%) du diagnostic des formes précoces de la maladie d’Alzheimer. Dans certains cas, ce test permettrait même de diagnostiquer la maladie avant que des accumulations de plaques amyloïdes soient détectables à la TEP, un atout important puisque certains nouveaux médicaments s’adressent aux formes précoces de la maladie.

Test sanguin pour diagnostiquer la maladie d'Alzheimer : disponible bientôt?

Traitements 

Il n’y a actuellement aucun traitement vraiment efficace pour ralentir la progression de la maladie d’Alzheimer, mais le milieu pharmaceutique est en ébullition pour trouver des médicaments toujours plus efficaces.  

Allègement des symptômes

Il est possible d’atténuer certains des symptômes (perte des facultés mentales, changements de comportement) ou de ralentir leur développement au moyen de médicaments qui limitent la perte d’acétylcholine, un neurotransmetteur très important (donépézil, galantamine, rivastigmine). Un agent neuroprotecteur comme la mémantine peut également être utilisé [6].  

Traitement avec des anticorps

Le milieu pharmaceutique travaille d’arrache-pied pour trouver des médicaments qui ciblent directement la protéine bêta-amyloïde anormale. En arrivant à s’en débarrasser avant qu’elle ne forme des dépôts permanents, on pourrait théoriquement ralentir la progression de la maladie. Au moins trois de ces médicaments sous forme d’anticorps monoclonal anti-bêta-amyloïde sont actuellement à l’étude.

  • Aducanumab (Aduhelm)

Un premier traitement à base d’anticorps (aducanumab/Aduhelm) a été approuvé par la FDA américaine en 2021, mais dans la controverse. De nombreux scientifiques estiment que les preuves de l’efficacité de ce médicament sont insuffisantes. En effet, les études montrent une réduction des plaques amyloïdes dans le cerveau, mais aucun déclin du développement des symptômes de la maladie. Biogen a jusqu’en 2030 pour prouver l’efficacité du médicament sur le plan cognitif, sinon il sera retiré du marché. ll n’est donc pas surprenant qu’aucune demande d’approbation pour l’Adulhem n’ait encore été faite auprès de Santé Canada.

  • Lécanémab

À la toute fin de novembre 2022, le lécanémab s’avérait plus prometteur avec, cette fois, une diminution de la protéine bêta-amyloïde, mais également une réduction de 27% de la progression des symptômes de la maladie après 18 mois de traitement. Le lécanémab a obtenu l’approbation sans condition de la FDA américaine en juillet 2023 et, depuis mai 2023, il est à l’étude pour approbation par Santé Canada.

  • Donanémab

On attend avec impatience la publication officielle des résultats de trois autres études impliquant, cette fois-ci, le donanémab, dont les résultats préliminaires publiés en juillet 2023 semblaient très prometteurs. D’autres études qui devraient se terminer d’ici 2027 sont requises avant que la FDA américaine ne se penche sur l’approbation de ce médicament.

Quelques bémols

Si, pour certains, le lécanémab ouvre une nouvelle ère dans le traitement de la maladie [2], certaines mises en garde s’imposent [7]. Premièrement, l’efficacité du traitement a été mesurée sur une période de 18 mois, mais ces bons résultats vont-ils perdurer?

Deuxièmement, le médicament coûte près de 40 000 $ par année, sans compter les frais associés au diagnostic et au suivi (imagerie, mesure des protéines dans le liquide céphalorachidien et éventuellement dans le sang, etc.).

Troisièmement, la mise en place de programmes d’injections intraveineuses aux deux semaines représente un défi de taille dans notre système de santé déjà surchargé. 

Quatrièmement, tous ces traitements à base d’anticorps sont associés à un risque d’accident vasculaire cérébral chez 15% des personnes traitées. Ce risque est même accru lorsque le gène apoE4 est présent, soit chez la moitié des patients et patientes! Par ailleurs, le suivi de la santé des vaisseaux sanguins du cerveau nécessiterait un scan cérébral toutes les deux semaines. 

Une lueur d'espoir?

Depuis une vingtaine d’années, plus de 200 essais cliniques se sont révélés infructueux pour le traitement de la maladie d’Alzheimer. Et on compte actuellement autant de nouvelles études en cours sur le même sujet.

Toutefois, les résultats obtenus jusqu’à maintenant par le lécanémab et le donanémab suscitent beaucoup d’enthousiasme, car même s’ils ne guérissent pas la maladie, ils en retardent la progression, ce qu’on n’avait pas encore réussi à faire.

Si le succès des anticorps monoclonaux se confirme, ces traitements devront également s’accompagner de nouveaux moyens de dépistage de l’Alzheimer, comme les tests sanguins. En effet, le lécanémab et le donanémab s’adressent principalement aux personnes qui en sont au stade précoce de la maladie.

Cette version actualisée représente une révision de l’article initialement publié le 6 décembre 2022 sur notre site web. Nous avons pris en compte les évolutions récentes pour vous offrir de l’information à jour et pertinente.

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Sources7
  1. C.H. van Dyck, C.J. Swanson, P. Aisen et coll. « Lecanemab in Early Alzheimer’s Disease», New England Journal of Medicine, (29 novembre 2022), DOI: 10.1056/ NEJMoa2212948. Résumé consulté en ligne le 5 décembre 2022.
  2. Mathieu Perrault. « Avancée majeure sur l’alzheimer», La Presse, 1er décembre 2022, https://www.lapresse.ca/actualites/sciences/2022-12-01/avancee-majeure-sur-l-alzheimer.php. Consulté en ligne le 1er décembre 2022.
  3. L.A. Farrer, L.A. Cupples, J.L. Haines et coll. « Effects of age, sex, and ethnicity on the association between apolipoprotein E genotype and Alzheimer disease. A meta-analysis. APOE and Alzheimer Disease Meta-Analysis Consortium», JAMA, vol. 278, no 16 (octobre 1997), p. 1349-1356. Résumé consulté en ligne le 2 décembre 2022.
  4. Mayo Medical Laboratories. «Alzheimer Disease Evaluation, Spinal Fluid / Clinical and interpretative», https://www.mayocliniclabs.com/test-catalog/Overview/607273#Clinical-and-Interpretive. Consulté en ligne le 6 décembre 2022.
  5. S.E. Schindler, J.G. Bollinger, V. Ovod, K.G. Mawuenyega et coll. « High precision plasma amyloid-β 42/40 predicts current and future brain amyloidosis», Neurology, vol. 93, no 17 (22 octobre 2019), p. e1647-e1659. Résumé consulté en ligne le 2 décembre 2022.
  6. Société Alzheimer du Canada. «Les médicaments approuvés pour traiter la maladie», https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/comment-traiter-les-troubles-neurocognitifs/les-medicaments. Consulté en ligne le 6 décembre 2022.
  7. Comité éditorial. «Lecanemab for Alzheimer’s disease: tempering hype and hope», The Lancet, vol. 400, 3 décembre 2022. https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2822%2902480-1. Consulté en ligne le 6 décembre 2022.
Dr Pierre-Olivier Hétu, Ph. D., CSPQ, FCACB
Dr Pierre-Olivier Hétu, Ph. D., CSPQ, FCACB
Biochimiste clinique
Dr Pierre-Olivier Hétu, Biochimiste clinique, Biron Groupe Santé