Santé A à Z — 9 minutes
Sport et puberté, le choix entre plaisir et performance
Alors que viennent de s’achever les Jeux olympiques, on ne peut que constater les extraordinaires prouesses de très jeunes athlètes notamment féminines. C’est particulièrement flagrant dans des disciplines comme la gymnastique où les sportives qui dépassent 25 ans détonnent dans le milieu. Les performances de niveau mondial peuvent être atteintes à un très jeune âge, de nos jours, grâce à un repérage précoce des talents, puis à un entraînement et une discipline très stricte par la suite. Les résultats prouvent que la méthode fonctionne pour décrocher des médailles, mais la barre ne serait-elle pas trop haute à un si jeune âge? Existe-t-il des risques pour la santé et le développement des adolescentes à pratiquer le sport de manière intensive?
Lutter contre la sédentarité sans tomber dans l’excès contraire
Tous les professionnels l’affirment, le sport est excellent pour la santé et le développement des enfants. Les jeunes passent, il est vrai, énormément de temps devant les écrans à la maison, mais aussi en classe où les ordinateurs et tablettes commencent à remplacer les cahiers. Il n’est donc pas toujours simple pour eux d’atteindre les recommandations de 60 à 90 minutes d’exercice par semaine. Inciter les adolescents à marcher et à courir tous les jours relève souvent de la gageure.
Des sports plus à risque avant la puberté
Pour les forcer à bouger, de nombreux parents inscrivent leurs enfants dans des clubs où certains se révèlent être d’excellents athlètes et souhaitent s’investir davantage pour briller. C’est alors que peuvent commencer les problèmes de santé comme le dévoile un rapport de L’Académie nationale de médecine en France paru en décembre 2018 [1]. Certaines disciplines sont principalement ciblées, au rang desquelles les sports dits « à silhouette » : gymnastique, danse, patinage artistique, etc. Le tennis et la course de fond auraient aussi des effets nocifs sur les articulations au-delà de 15 heures de pratique par semaine. Les sports de contact comme la boxe, le hockey, le football, mais aussi motorisés comme le karting et le motocross sont également déconseillés avant la fin de la croissance en raison des risques évidents de commotions cérébrales et de fractures diverses.
Répercussions du sport intensif
Les plus récentes études tendent à démontrer que l’entraînement, même rigoureux, est plutôt positif pour le développement du corps des enfants.
Les activités de locomotion où l’on doit supporter son poids, les sports avec sauts ou impacts ainsi que les exercices de renforcement musculaire augmentent la densité minérale osseuse et la résistance des os. Ce renforcement effectué jeune sera bénéfique tout au long de la vie grâce à une meilleure constitution du corps. Des sports comme la musculation pourraient ainsi être pratiqués par les enfants sans potentiels dommages pour le corps.
Cependant, le surentraînement peut amener les conséquences inverses. Le Dr Jérôme Ouellet, pédiatre en médecine sportive, reçoit souvent de jeunes patients victimes de blessures aux plaques de croissances. « Ça va surtout être causé par des déficits au niveau de la biomécanique, c’est-à-dire que l’organisation du mouvement de l’enfant n’est habituellement pas très bonne. Ce peut être un manque de flexibilité, des problèmes de coordination, d’activation, de contrôle, de balance musculaire, etc. Ça peut aussi être lié à la croissance », précise-t-il. [2]
Il faut donc être attentif aux signes parfois subtils qu’envoient les enfants pour s’assurer que leur corps n’est pas en train de s’épuiser. Manque de motivation, fatigue, problèmes de sommeil ou performance qui se dégradent sont autant de bons indicateurs qui démontrent qu'il est peut-être temps de lever le pied.
Sport intensif et puberté féminine
Les effets des sports « à silhouette » sur la puberté et la santé des jeunes filles sont suivis et documentés depuis de nombreuses années. Le milieu de la gymnastique est ainsi particulièrement scruté par les spécialistes et de multiples études tendent à démontrer des liens de causalité entre l’aménorrhée (absence de menstruations) et la pratique intensive de ces sports.
Selon une étude de la Dre Panagiota Klentrou [3], il existe une corrélation entre une pratique de ces sports au-delà de 15 heures par semaine et le retard de l’apparition des premières règles. L’intensité de la pratique alliée à une alimentation mal équilibrée pourrait aussi avoir un impact sur la croissance et la fertilité à long terme. L’étude avance que le faible taux de graisse corporelle des gymnastes pourrait être à l’origine de plusieurs carences. La prise de poids peut en effet diminuer nettement les performances de ses jeunes athlètes en plus de nuire aux critères esthétiques associés à ces sports. À ce titre, le contrôle pondéral fait partie intégrante de la stratégie de performance.
La Dre Klentrou rapporte que des observations autour de sportives croates indiquent que leurs premières règles ont débuté à 13,8 ans en moyenne au lieu de 12,6 ans dans le reste de la population adolescente. Des retards de croissance ont aussi été observés chez des athlètes s’étant entraînées 35 heures par semaine avant la puberté.
L’auteure de cette étude conclut que même s’il est difficile d’établir clairement la responsabilité du sport intensif dans le retard des premières règles, les données considérables obtenues suggèrent que cette pratique y joue un rôle prépondérant. La pression très forte sur les corps prépubères et les troubles alimentaires inhérents à ces sports engendrent problèmes de croissance et retards de puberté dont les conséquences à long terme devront encore être étudiées.
Se préparer jeune pour gagner
Les carrières sportives sont relativement courtes tandis que les retombées financières générées par les événements d’envergure sont immenses. Pour ces raisons, entraîneurs, commanditaires, athlètes et parfois même parents tentent de maximiser la performance dès l’enfance. Dès lors, certains entament des entraînements et des régimes alimentaires dignes de l’élite mondiale dès le plus jeune âge. Il arrive même que des enfants, particulièrement les filles, suivent des régimes jugés extrêmes.
Tous sports confondus, les jeunes prodiges sont aujourd’hui légion et dominent régulièrement leurs aînés grâce à une préparation optimisée depuis l’enfance. Si les résultats purement comptables semblent jusqu’à présent donner raison à cette manière de faire, les conséquences sur la santé à long terme, bien qu’encore partiellement définies, semblent devoir être prises en compte pour mieux calibrer l’entraînement des jeunes.
Rappelons ainsi qu’au-delà de 15 heures par semaine, un entraînement est considéré comme intensif avant la puberté. Certains sports sont aussi plus nocifs que d’autres pour les enfants. Malgré tout, l’activité physique reste la meilleure manière d’éviter l’obésité et favorise le développement physique, psychologique et social. Il est donc important d’inciter les enfants à bouger tout en s’assurant simplement que le dosage est adapté à leur âge et à leur condition.
Sources3
- Le Parisien. (2019, 7 février). Gare à l’excès de sport chez les jeunes. https://www.leparisien.fr/societe/gare-a-l-exces-de-sport-chez-les-jeunes-07-02-2019-8006496.php
- Radio-Canada. (2020, 30 avril). L’entraînement chez les enfants, bon ou mauvais? https://ici.radio-canada.ca/sports/1698790/entrainement-sport-enfants-performance-etudes-medecine
- Klentrou, N. (2006). Puberté et sports de compétition chez l’adolescente. https://www.karger.com/Article/Pdf/95891