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Santé A à Z  —  10 minutes

Le vapotage est-il un ami ou un ennemi?

08 janvier 2020
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique

Les vertus de la cigarette électronique étaient prometteuses au départ : aider les fumeurs à écraser en leur offrant une solution de rechange pour libérer de la nicotine, sans les risques bien connus pour la santé que représente la fumée du tabac. Mais maintenant que les produits de vapotage ont trouvé leur place sur le marché grand public, cet espoir est contrebalancé par des préoccupations très réelles concernant les nouveaux fumeurs plus jeunes.

En vérité, nous en savons relativement peu sur les effets à long terme du vapotage, comparativement aux risques bien connus de cancer et de maladies cardiovasculaires associés au tabagisme. Les premiers produits ne sont arrivés sur le marché qu’en 2004, et il a fallu attendre jusqu’en 2018 pour que la vente de cigarettes électroniques contenant de la nicotine soit directement réglementée par le gouvernement fédéral, à la suite de la modification de la Loi sur le tabac et d’autres lois connexes par le projet de loi S-5 [1].

Entre-temps, le nombre de nouveaux utilisateurs a augmenté de façon spectaculaire en raison des vastes efforts de marketing de l’industrie des cigarettes électroniques, qui ont souvent vanté les mérites du vapotage comme une solution de rechange plus sécuritaire que les cigarettes traditionnelles. Un sondage réalisé en 2017 auprès de la population canadienne a montré que 85 % des utilisateurs de cigarettes électroniques étaient des fumeurs ou d’anciens fumeurs, tandis que 15 % d’entre eux n’avaient jamais fumé. Ce sondage a également révélé que la plus grande cohorte de nouveaux adoptants – ceux et celles qui essaient ou adoptent le vapotage pour la première fois – était composée d’adolescents et de jeunes adultes de 15 à 24 ans, qui représentaient une proportion de 15 à 20 % [2].

Que contient une vapoteuse ?

Le vapotage consiste à inhaler un aérosol constitué d’un produit aromatisé contenant généralement du propylène, du glycérol végétal, de la cire, des herbes et de nombreux additifs et arômes, ainsi qu’une quantité variable de nicotine. De nombreuses personnes utilisent également les vapoteuses pour inhaler du cannabis.

Outre la nicotine et le propylène glycol, un additif alimentaire courant, l’American Lung Association (Association pulmonaire américaine) indique que les produits chimiques suivants ont été trouvés dans les cigarettes électroniques [3] :

  • des substances cancérigènes, dont l’acétaldéhyde et le formaldéhyde ;
  • de l’acroléine – un herbicide ;
  • du diacétyle ;
  • du diéthylène glycol ;
  • des métaux lourds, comme le nickel, l’étain et le plomb ;
  • du cadmium ;
  • du benzène.

Le vapotage est-il un moyen sain ou efficace d’arrêter de fumer ?

Pour les personnes qui essaient d’arrêter de fumer, le vapotage offre une solution de remplacement à la gomme, aux timbres ou aux pastilles contenant de la nicotine. De nombreuses études, mais pas toutes, ont montré l’effet bénéfique du vapotage sur la désaccoutumance au tabac [1]. Mais les vapoteuses contiennent toujours de la nicotine, ce qui signifie qu’elles conservent un caractère fortement addictif et qu’elles entraînent un risque accru de crise cardiaque [4]. Parmi leurs avantages, il y a bien sûr l’absence de fumée : comme il n’y a pas de sous-produits de combustion, le vapotage devrait réduire le risque de cancer du poumon comparativement à la consommation des produits du tabac. Bien qu’un certain nombre de produits chimiques et de particules fines soient produits par le vapotage, la réduction du risque de cancer du poumon s’applique théoriquement aussi à la vapeur secondaire.

Des études antérieures ont démontré les bienfaits potentiels du vapotage pour la désaccoutumance au tabac [5]. Les recherches actuelles demeurent toutefois non concluantes [6]. Il est évident qu’arrêter complètement de fumer serait la solution idéale, mais à long terme, il est probable que le vapotage soit préférable à la consommation de produits du tabac traditionnels. Il est important de noter qu’en combinant la cigarette et le vapotage, vous risquez de vous retrouver avec le pire des deux mondes : il a été démontré que le double usage a des effets néfastes combinés sur la santé pulmonaire et cardiovasculaire [7].

Le vapotage est-il en train de transformer les jeunes en accros ?

La situation est totalement différente lorsque des personnes, surtout de jeunes adultes, s’adonnent au vapotage récréatif alors qu’ils ne fumaient pas au départ. Les autorités de la santé croient que le vapotage a créé une nouvelle génération de jeunes accros à la nicotine, dont beaucoup finiront par se mettre à fumer des produits du tabac [8].

Plus inquiétant encore, les détracteurs affirment que l’industrie émergente de la cigarette électronique vise spécifiquement une clientèle plus jeune en proposant des stylos de vapotage au design élégant (certains ressemblant à des clés USB) et des saveurs tendance, comme la mangue, la menthe fraîche et la crème brûlée. Le fabricant californien de cigarettes électroniques Juul Labs, qui détient une part de marché de 70 %, a été poursuivi dans trois États américains en 2019 pour ses pratiques commerciales trompeuses ciblant les personnes d’âge mineur.

Quelles sont les maladies mystérieuses causées par le vapotage ?

Il est devenu encore plus urgent, l’année dernière, de sensibiliser le public aux problèmes de santé liés au vapotage en raison de l’augmentation soudaine du nombre de cas signalés de lésions pulmonaires, parfois mortelles, touchant près de 3 000 Américains (des jeunes, pour la plupart). Ce problème de santé – désigné par l’acronyme anglais EVALI (e-cigarette or vaping-associated illness) – a entraîné le décès de 47 des personnes touchées [9].

La cause exacte de cette inflammation des bronchioles pulmonaires induite par la cigarette électronique n’est pas encore connue, pas plus que les raisons qui expliquent le moment de cette flambée soudaine. Étant donné que le vapotage existe depuis 2004, les chercheurs en santé aux États-Unis se sont consacrés à identifier les produits chimiques qui n’ont été introduits que récemment dans les produits. L’une des substances chimiques qu’ils ont mises en évidence est l’acétate de vitamine E, une substance collante qui, sans danger lorsqu’elle est utilisée dans des crèmes pour la peau, pourrait nuire à la fonction pulmonaire si inhalée. Mais ce n’est peut-être pas la seule coupable : des extraits de cannabis ont également été utilisés par une grande majorité des victimes d’EVALI, et la plupart d’entre elles étaient de gros consommateurs de cigarettes électroniques [9].

Quelle est la réglementation en matière de vapotage au Canada et au Québec ?

Le vapotage est réglementé tant au niveau fédéral que provincial. Les produits de vapotage sont soumis à de nombreux règlements au Canada [10], notamment La Loi sur le tabac et les produits de vapotage et la Loi sur la santé des non-fumeurs, dans le but de décourager l’adoption des cigarettes électroniques par les jeunes et les non-fumeurs. Les dispositions légales canadiennes prévoient entre autres l’âge légal d’achat et de consommation des produits de vapotage, établi à 18 ans au pays, ainsi que l’interdiction d’ajout de saveurs qui plaisent aux jeunes à ces produits. Elles exigent également que la promotion de ces produits n’induise pas les consommateurs en erreur quant aux effets potentiels du vapotage sur leur santé.

La Loi sur la santé des non-fumeurs restreint quant à elle l’usage du tabac et le vapotage dans les lieux de travail sous juridiction fédérale.

Plus près de nous, la Loi concernant la lutte contre le tabagisme du Québec, adoptée en novembre 2015, réglemente les cigarettes électroniques avec ou sans nicotine de la même façon qu’elle réglemente les produits du tabac. La loi du Québec interdit entre autres la vente en ligne de cigarettes électroniques, la publicité dans les médias dont le lectorat est estimé à moins de 85% d’adultes, l’accès et la vente des produits de vapotage aux moins de 18 ans et l’utilisation de cigarettes électroniques dans les endroits où il est déjà interdit de fumer.

Contrairement aux produits du tabac traditionnels, l’ajout de saveur aux cigarettes électroniques n’est pas restreint au Québec [11].

Donc, le vapotage est un ami ou un ennemi ?

Il n’y a aucune réponse claire et nette à savoir si le vapotage est un bien ou un mal. Pour les anciens fumeurs qui n’étaient pas capables d’écraser, on peut considérer le vapotage tel un ami pour autant que ce soit fait de manière responsable.

Pour tous ces jeunes qui n’ont jamais fumé auparavant, mais qui sont devenus dépendants à la nicotine ou qui ont développé une ELIVA ou en sont morts, il semble plus clair que la réponse serait « le vapotage est un ennemi redoutable ».

Sources11
  1. Santé Canada, « Projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence ». Canada.ca, 31 août 2017. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/programmes/consultation-reglementation-produits-vapotage/s5-projet-reglementation-produits-vapotage.html.
  2. Santé Canada, « Le vapotage au Canada : ce que nous savons ». Canada.ca, 21 décembre 2018. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/tabagisme-et-tabac/vapotage/canada.html.
  3. « What’s in an E-Cigarette? », American Lung Association. https://www.lung.org/stop-smoking/smoking-facts/whats-in-an-e-cigarette.html, consulté en décembre 2019.
  4. « La cigarette électronique au Canada », Cœur + AVC. https://www.coeuretavc.ca/-/media/pdf-files/position-statements/lacigaretteelectroniqueaucanada.ashx?la=fr-ca&hash=40047CF7552CFEE8480F077330693A980CF4FDAB, consulté en décembre 2019.
  5. « PHE Publishes Independent Expert e-Cigarettes Evidence Review », GOV.UK. https://www.gov.uk/government/news/phe-publishes-independent-expert-e-cigarettes-evidence-review, consulté en décembre 2019.
  6. National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine , Public Health Consequences of E-Cigarettes. The National Academies Press, Washington DC, 2018. https://doi.org/10.17226/24952.
  7. Wang, Julie B., Jeffrey E. Olgin, Gregory Nah, Eric Vittinghoff, Janine K. Cataldo, Mark J. Pletcher et Gregory M. Marcus, « Cigarette and e-Cigarette Dual Use and Risk of Cardiopulmonary Symptoms in the Health eHeart Study ». PLoS ONE, vol. 13, no 7, 2018. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0198681.
  8. Zraick, Karen, « A.M.A. Urges Ban on Vaping Products as Juul Is Sued by More States ». The New York Times, 19 novembre 2019. https://www.nytimes.com/2019/11/19/health/juul-lawsuit-ny-california.html.
  9. Thielking, Megan, « New Report Hints at Why Vaping Illnesses May Have Sprung up in 2019 ». STAT, 26 novembre 2019. https://www.statnews.com/2019/11/26/new-cdc-report-clue-vaping-illness/.
  10. Santé Canada, « Réglementation des produits de vapotage ». Canada.ca, 19 décembre 2019. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/tabagisme-et-tabac/vapotage/securite-reglementation-produits.html.
  11. « Cigarette électronique », gouvernement du Québec. https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/saines-habitudes-de-vie/cigarette-electronique, consulté en décembre 2019.
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Raymond Lepage, Ph. D., Docteur en biochimie
Vulgarisateur scientifique
Pendant une cinquantaine d’années, Raymond Lepage a agi comme biochimiste clinique responsable de laboratoires tant publics que privés. Professeur agrégé de clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et professeur associé à l’Université de Sherbrooke, il a également été consultant, chercheur, expert juriste et conférencier. Auteur ou coauteur de plus de 100 publications parues dans des congrès et des revues scientifiques, il consacre désormais une partie de sa semi-retraite à la vulgarisation scientifique.