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Test sanguin pour diagnostiquer la maladie d’Alzheimer : disponible bientôt?
Une étude publiée en décembre 2022 dans la revue américaine Proceedings of the National Academy of Science propose un nouveau test qui permet de diagnostiquer la maladie d’Alzheimer à partir d’une simple prise de sang [1]. Ce test, qui mesure les niveaux d'oligomères bêta-amyloïdes dans le sang (méthode SOBA), rejoint le groupe sélect des tests sanguins proposés depuis 2019 qui affichent tous une efficacité supérieure à 90 % pour le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer.
Des tests très prometteurs
La maladie d’Alzheimer est une atteinte dégénérative du cerveau qui se caractérise par l’accumulation de « plaques » et « d’enchevêtrements » dans le tissu cérébral. Les plaques sont des dépôts denses d’une protéine anormale appelée peptide bêta-amyloïde. Les enchevêtrements de fibres nerveuses sont, pour leur part, associés à une autre protéine anormale, la protéine tau. Ces plaques et enchevêtrements sont responsables de la mort des cellules nerveuses et de l’apparition des symptômes typiques de la maladie.
Selon la Société Alzheimer du Canada, la maladie toucherait actuellement plus d’un demi-million de personnes au Canada, et ce nombre devrait doubler d’ici 2030. Seulement au Canada, 348 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque jour, et le fardeau financier de l’Alzheimer dépasse plus de 10 milliards de dollars par an [5].
Dans ce contexte, les tests sanguins qui permettent de diagnostiquer la maladie de façon précoce sont extrêmement attendus. Ils mesurent généralement des fragments de la protéine bêta-amyloïde (A-beta 42/40, SOBA), de la protéine tau (p-tau 217, p-tau 181) ou encore des fragments de neurofilaments montrant de la dégénérescence (Nfl). Mais pourquoi ces tests sanguins sont-ils particulièrement prometteurs? C’est que la plupart des méthodes de diagnostic proposées actuellement ne fournissent pas de résultats assez probants ou sont trop complexes pour être utilisés couramment en médecine.
Le diagnostic aujourd'hui
Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer est actuellement établi en évaluant la perte de mémoire, la diminution d’habiletés fonctionnelles et les changements de comportement, le tout confirmé par imagerie médicale.
Imagerie médicale
Les examens du cerveau réalisés par imagerie par résonance magnétique (IRM), tomodensitométrie assistée par ordinateur (CT-Scan) et surtout tomographie par émission de positrons (PET-Scan) permettent de détecter l’accumulation de plaques de bêta-amyloïdes et la présence de protéines tau dans le cerveau. Ces techniques permettent également de distinguer la maladie d’Alzheimer d’autres atteintes cérébrales pouvant produire des symptômes similaires, comme des lésions dues à l’âge ou causées par des accidents vasculaires cérébraux et des tumeurs cérébrales.
Examen du liquide céphalorachidien
La détection de résidus de protéine bêta-amyloïde et de protéine tau dans le liquide céphalorachidien (LCR) constitue actuellement l’approche la plus fiable pour mesurer le taux des biomolécules associées à la maladie d’Alzheimer. L’obtention du LCR nécessite cependant l’introduction d’une aiguille de prélèvement entre deux vertèbres situées dans le bas du dos (ponction lombaire), une procédure complexe qui nécessite une anesthésie locale.
Tests sanguins actuels
Jusqu’à présent, les tests sanguins utilisés pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer servent uniquement à éliminer d’autres maladies dont les symptômes sont similaires à ceux de la maladie d’Alzheimer, comme l’hypothyroïdie et une déficience grave en vitamine B12.
Tests génétiques
Certains tests génétiques, dont la recherche de versions anormales du gène de l’apolipoprotéine E4 (apo E4), permettent d’évaluer le risque qu’un individu développe la maladie d’Alzheimer. La présence d’une seule copie du gène anormal serait associée à un risque de 2 à 5 fois plus élevé de développer la maladie alors qu’en présence de 2 copies du gène, le risque serait 10 fois plus élevé!
Les tests génétiques doivent cependant être interprétés avec prudence puisque de nombreux individus porteurs de deux copies du gène apoE4 ne développeront jamais la maladie, alors que des gens qui n’ont aucune copie du gène anormal peuvent tout de même souffrir d’Alzheimer.
Des analyses peuvent aussi être effectuées sur d'autres gènes (APP, PSEN1 et PSEN2) dans les familles qui présentent une forme héréditaire d’Alzheimer. Dans ce dernier cas, la maladie apparaît de façon précoce (avant 65 ans), contrairement à l’Alzheimer sporadique qui survient généralement après 65 ans. Toutefois, cette forme héréditaire est rare : elle ne représente qu’environ 5 % de tous les cas d’Alzheimer.
Autopsie
Le diagnostic définitif ne peut se faire actuellement qu’à l’autopsie par l’analyse microscopique des tissus cérébraux des individus décédés de la maladie.
Qu’en est-il des traitements?
Il n’y a actuellement aucun traitement définitif pour la maladie d’Alzheimer, mais certains des symptômes (fonction mentale, changements de comportement) peuvent être allégés ou ralentis par l’usage de médicaments. Approuvés depuis plusieurs années, le donézépil, la galantamine, la rivastigmine et la mémantine peuvent atténuer les symptômes de la maladie en agissant sur la formation d'acétylcholine ou de glutamate, des molécules impliquées dans la transmission de l'influx nerveux.
Récemment, l’industrie pharmaceutique a proposé des anticorps capables de neutraliser la protéine bêta-amyloïde en l’empêchant de se déposer dans le cerveau (Adecanumab, Genterenumab, Lecanemab, etc.). Parmi ces derniers, le Lecanemab (Leqembi) est déjà approuvé aux États-Unis et est examiné par Santé Canada depuis le printemps 2023.
Quand les tests sanguins seront-ils offerts?
Un des nouveaux tests, basé sur le taux de protéine bêta-amyloïde dans le sang, l’âge du patient et la présence ou non de copies du gène apo E4 est déjà disponible aux États-Unis. Sa particularité vient surtout de sa relative simplicité combinée à une grande exactitude (94 %) du diagnostic des formes précoces de la maladie d’Alzheimer. Dans certains cas, ce test permettrait même d’établir un diagnostic avant l’apparition des symptômes typiques de la maladie ou que des accumulations de plaques de bêta-amyloïdes soient détectables par PET-Scan.
La pression pour que ces tests sanguins soient plus largement accessibles au Québec et au Canada devrait augmenter avec l’arrivée de nouveaux traitements prometteurs à base d’anticorps, dont un premier tarde à être approuvé par Santé Canada (voir l’encadré). Les tests sanguins permettront alors de faciliter le diagnostic précoce de la maladie, soit à une étape où les possibilités d’amélioration seraient plus importantes. Mais il faudra faire preuve d’encore un peu de patience : le premier article démontrant l’effet des nouveaux traitements à base d’anticorps date d’à peine un an [6].
Cette version actualisée représente une révision de l’article initialement publié le 13 janvier 2020 sur notre site web. Nous avons pris en compte les évolutions récentes pour vous offrir de l’information à jour et pertinente.
Sources6
- Shea, D., Colasurdo, E., Smith, A., Paschall, C., et coll. « SOBA: Development and testing of a soluble oligomer binding assay for detection of amyloidogenic toxic oligomers ». Proceedings of the National Academy of Science, vol. 119, no 50, 13 décembre 2022. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36490316/.
- Ashton, N.J., Hye, A., Rajkumar, A.P., Leuzy, A., et coll. « An update on blood-based biomarkers for non-Alzheimer neurodegenerative disorders ». Nature Reviews Neurology, vol. 16, no 5, 16 mai 2020, p. 265-284. https://www.nature.com/articles/s41582-020-0348-0
- Ashton, N.J., Leuzy, A., Karikari, T.K., Mattsson-Carlgren, N., et coll. « The validation status of blood biomarkers of amyloid and phospho-tau assessed with the 5-phase development framework for AD biomarkers ». European Journal of Nuclear Medicine and Molecular Imaging, vol. 48, no 7, juillet 2021, p. 2140-2156. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33677733/
- Karikari, T.K., Ashton, N.J., Brinkmalm, G., Brum WS, et coll. « Blood phospho-tau in Alzheimer’s disease: Analysis, interpretation, and clinical utility ». Nature Reviews Neurology, vol. 18, no 7, juillet 2022, p. 400-418. https://www.nature.com/articles/s41582-022-00665-2
- Société Alzheimer du Canada. « Les troubles neurocognitifs au Canada en chiffres » https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/que-sont-les-troubles-neurocognitifs/chiffres. Consulté le 4 janvier 2024.
- Van Dyck, C.H., Swanson, C.J., Aisen, P., et coll. « Lecanemab in Early Alzheimer’s Disease ». New England Journal of Medicine, vol. 388, janvier 2023, p. 9-21. https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2212948